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UB- Préhistoire Le site de Préhistoire de l'Université de Bourgogne Cours en ligne Licence 3 - Néolithique européen |
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Néolithique européen Cours 10 : La fin du Néolithique en Europe 4e-3e millénaires
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Cours – version détaillée… « Ecoutez, trois mille ans avant la naissance du Christ, un peuple est sorti d’Espagne et s’est répandu dans toute l’Europe. Cette citation fait référence à ce que l'on a appelé le "Phénomène Campaniforme". Entrons tout de suite dans le vif du sujet : qu'est ce que ce fameux Campaniforme ? Au fur et à mesure des découvertes, un assemblage mobilier « set » ou « package » s’est créé par ajouts successifs de certains objets caractéristiques découverts associés à la céramique campaniforme comme les boutons perforés en V, les plaquettes perforées appelées « brassards d’archer », les armatures de flèches à pédoncule et ailerons équarris, certains types de parure comme les pendeloques arciformes ainsi que certaines parures en or et des objets en cuivre comme les poignards à languette et les alênes bipointes de section carrée. Ces découvertes effectuées essentiellement en contexte funéraire ont conditionné pendant longtemps la réflexion sur ce phénomène interprété comme la diffusion de « biens de prestiges » liée à celle du rite de la sépulture individuelle et traduisant une hiérarchisation sociale en rupture avec les « images égalitaires » des sociétés du Néolithique dont il marque la fin. A partir de la définition de ce « package » deux constats pouvaient être faits qui ont retenu l’attention de plusieurs générations d’archéologues : l’apparition très rapide dans le temps au IIIe millénaire et la très vaste répartition dans l’espace, du Maroc à la Pologne et d’Irlande en Sicile, de ces objets ; et la découverte de ces objets le plus souvent dans des tombes, au moins dans les phases anciennes, les habitats, plus rares, étant quand même bien présents dans certaines régions et pour les phases récentes. L'association des gobelets avec des objets de métal, essentiellement du cuivre mais aussi parfois de l'or a excité l'imagination des chercheurs mais plus encore ce phénomène a donc affecté une région de plus de deux millions trois cent mille kilomètres carrés et, quelle que soit sa région d’origine, il a couvert directement ou indirectement des distances de plus de deux mille kilomètres (entre le Portugal et les Pays-Bas par exemple), et il y avait de quoi effectivement alimenter quelques interrogations. Après cette première définition, voyons un rapide historique des recherches, à l'échelle européenne qui nous amènera aux problématiques actuelles sur le phénomène Campaniforme. Parallèlement, des approches anthropologiques tentent de définir ce peuple Campaniforme à partir de caractéristiques biométriques des squelettes, et cela jusqu’à une période très récente. La seconde moitié du siècle voit ces théories réfutées, tout d’abord grâce aux découvertes de vases campaniformes dans des habitats, puis au développement des datations par le radiocarbone montrant la déconnexion du développement de la métallurgie par rapport au phénomène campaniforme qui lui est nettement postérieur, au moins dans certaines régions, et enfin par l’abandon assez généralisé des thèses migratoires et guerrières. Dans le même temps, les groupes régionaux sont séparés chronologiquement du Campaniforme « international » aux formes et décors très standardisés à travers l'Europe. Après quelques essais pour faire du Campaniforme international une émanation d’un groupe régional ibérique, la tendance s’inverse et une périodisation du Campaniforme, qui deviendra classique, est proposée par J. Guilaine pour les Pyrénées de l’Est en 1967 puis pour le Midi de la France en 1976. Phase 1 : Phase ancienne comprenant les styles cordé, international et mixte. Phase 2 : Phase « de transition » dont les décors au peigne réalisent une combinaison du décor international avec de nouveaux thèmes. Phase 3 : Phase récente marquée par des groupes régionaux (Pyrénéen, Rhodano-Provençal…). Le décor incisé et estampé domine sur le décor au peigne toujours présent. Phase 4 : Phase épicampaniforme où les décors de tradition campaniforme sont barbelés, incisés ou imprimés. D’autres périodisations du même type voient ensuite le jour dans diverses régions d’Europe. La genèse complexe des ensembles campaniformes régionaux est alors envisagée d’une façon nouvelle, plus théorique par A. Gallay, mettant en avant la pluralité des origines des différents éléments, en terme de réseaux. Les hypothèses sur la signification du Campaniforme s’écartent alors des notions de cultures, civilisations, populations, pour devenir plus conceptuelles jusqu’à la proposition du « Crémade Model » par C. Strahm et l'école allemande qui envisage le Campaniforme comme un mode d’expression ou une idéologie. La dernière décennie a vu, à côté du développement de ces essais théoriques, l’amorce d’un retour à l’étude des séries elles-mêmes et je ne citerai ici que quelques travaux francophones parmi un très grand nombre d'études. Un siècle et demi après les premières découvertes et après un siècle de recherches et de théories tantôt acceptées comme des dogmes et tantôt rejetées, les mêmes problématiques sont toujours d'actualité : Quelle est l'origine géographique du phénomène campaniforme ? Comment se produit la diffusion des gobelets et des objets qui leur sont associés ? Quand se phénomène commence-t-il ? et à quel moment se répand-il dans les différentes régions qu'il affecte ? Pourquoi existe-t-il plusieurs styles de céramique campaniforme dans une même région ? Et quelle est l'histoire, la périodisation de ces différents campaniformes dans les régions concernées ? Enfin évidemment, que "sont" (entre guillemets) ces gobelets ? que représentent-ils ? que contiennent-ils ? ou à quoi servent-ils ? pour avoir connu un tel succès. Le sud-est de la France a bénéficié à la fois d'une découverte précoce d'éléments campaniformes dès le XIXe siècle, dans les allées couvertes de Fontvieille, près d'Arles, pour ne citer qu'un exemple célèbre, et aussi de très nombreuses recherches récentes portant sur des sites très nombreux qui en font l'une des régions campaniformes les plus riches d'Europe. Le cadre géographique de l'étude a été défini à partir de l'extension géographique d'un des styles régionaux du Campaniforme que j'ai évoqué précédemment et qui a été appelé le groupe Provençal ou Rhodano-Provençal et parfois groupe du Bois Sacré. Ce Campaniforme rhodano-provençal correspond à un style de céramique décorée identifié relativement tardivement par J. Courtin comme le groupe régional Provençal. Aucune définition complète et précise n’a été proposée pour le groupe campaniforme rhodano-provençal. Historiquement, c’est tout naturellement en Provence, qu’a été caractérisé ce groupe baptisé « provençal ». Dans la région ainsi définie, plus de 300 sites, peut-être 315 ou 320 actuellement connus, ont livré des vestiges de céramiques ou d'objets caractéristiques du Campaniforme. Et pour finir cette petite introduction : une image pour vous signaler que peu de préhistoriens de cette région n’ont pas travaillé à un moment ou à un autre de leur carrière sur le Campaniforme. Nous allons maintenant voir un bilan documentaire du Campaniforme dans cette région. En commençant, bien sûr par la céramique décorée. Les décors de la céramique campaniforme dans le sud-est de la France sont marqués par une grande diversité. Cette diversité est fonction à la fois des techniques de réalisation et de la grammaire décorative, c’est-à-dire des motifs et de leur organisation. La définition des styles décoratifs tient compte de l’outil utilisé et de différents niveaux de la grammaire descriptive. Et voici les thèmes présents dans le Campaniforme du sud-est de la France. L'une des questions importantes était celle de l'autonomie des différents styles reconnus anciennement par J. Guilaine et J. Courtin. Pour y répondre, nous avons observé la distribution des thèmes décoratifs sur les sites. La distribution de ces thèmes sur les sites et les diverses associations sur les vases permettent de définir une série de styles décoratifs. La plupart de ces styles ont été reconnus et définis depuis plusieurs décennies. Il est intéressant d’observer qu’ils résistent bien à la synthèse d’environ 245 sites ayant livré de la céramique décorée. Ces styles sont définis en fonction des thèmes principaux qui associent les motifs et leur technique de réalisation : Le style linéaire à la cordelette Le style linéaire pointillé Le style international ou pointillé hachuré Le style international mixte Le style « pointillé géométrique » ou dérivé de l’international Ce style pointillé peut présenter des lignes de motifs estampés, généralement simples. L’organisation sur le vase présente souvent l’association de plusieurs thèmes. Le style pointillé complexe Le style incisé et estampé Le style incisé Le style incisé et barbelé Les décors à l’ongle et digités La composition des assemblages et l’autonomie des styles Ces styles montrent des associations récurrentes au sein des assemblages. Elles permettent de définir 4 types principaux d’assemblages stylistiques : Le style 1 regroupe le style linéaire à la cordelette, le style linéaire pointillé, le style international (ou pointillé hachuré) et le style international mixte (pointillé et cordé). Le style 2 correspond au style dérivé de l’international (pointillé géométrique) auquel sont souvent associés des décors du style 1 comme le style pointillé linéaire et le style international. S’y associent les décors à l’ongle. Le style 3 comprend le style incisé et estampé auquel s’ajoutent des décors de type pointillé complexe et des décors de style incisé. Des décors digités, rares, peuvent être présents. Le style 4 est composé du style incisé et barbelé et de décors de style incisé. La distribution de ces différents styles sur les sites permet d’envisager leur autonomie les uns par rapport aux autres. Plusieurs distributions ont été réalisées, en prenant en compte des catégories intermédiaires pour les objets non attribuables puis en supprimant les contextes par nature hétérogènes comme les dolmens et les séries représentées par un seul vase. La distribution des styles présents dans les diverses occupations montre une grande autonomie de chaque style par rapport aux autres, à l’exception des rapports importants entre les styles 3 et 4. L'examen des différentes situations d’associations entre les styles céramiques sur les sites du sud-est de la France montre très nettement que ces styles définis sont très rarement mélangés. Et les rares cas d’associations observés peuvent être rapportés à des remaniements dans des contextes particuliers comme les sépultures collectives à longue durée d’utilisation, et certains sites perchés de topographie remarquable eux aussi longuement occupés à toutes les périodes. Nous avons vu les décors de la céramique, nous allons maintenant passer rapidement sur les morphologies des vases. Les formes des céramiques campaniformes décorées sont peu nombreuses. L’impression de diversité est due à un certain nombre de variations autour d’un petit nombre de thèmes morphologiques. On distingue donc : Les formes hautes
Il s'agit des Gobelets, De bouteilles Les formes basses
Il s'agit de Bols Quelques objets évoquent la présence de morphologies inhabituelles, comme un piédestal et des pieds cylindriques de vases polypodes. Les moyens de préhensions Les préhensions sont à la fois peu diversifiées et peu nombreuses en regard des productions des groupes de la fin du Néolithique. Les préhensions sont absentes des gobelets de forme classique et affectent soit des gobelets et tasses de morphologie particulière, soit des formes basses. Les préhensions simples, de type néolithique final, sont peu nombreuses. On note cependant la présence de quelques boutons et mamelons sur des céramiques décorées campaniformes. Les anses sont beaucoup plus nombreuses. Elles sont absentes des séries à décors pointillés et cordés pour apparaître très nombreuses dans les séries à décor incisé et estampé et incisé et barbelé. Il est possible de distinguer plusieurs types d’anses. La variété des dispositions de décor des styles incisé et estampé, incisés et barbelés et dans une moindre mesure des styles pointillé complexe et pointillé géométrique s’oppose aux constantes des décors internationaux, cordés, linéaires et mixtes. Nous allons maintenant voir quels types de céramique non décorée s'associent aux vases ornés et à chacun de leurs styles. Ne sont considérés ici que les types céramiques qui ne peuvent pas être directement attribués à des groupes du Néolithique final local, même si certains présentent des affinités notables avec des traditions régionales. Les céramiques fines non décorées La céramique fine non décorée comprend l’ensemble des vases dont les types morphologiques et les dimensions sont identiques ou proches de la céramique décorée. Les gobelets non décorés sont bien présents au sein des séries campaniformes. Les bols sont aussi absents des séries de style cordé, pointillé linéaire, international et mixte. Ils sont bien présents dans les séries de style pointillé géométrique et incisé-estampé, mais plus dans les séries barbelées. Les écuelles non décorées présentent une répartition strictement identique à celle des bols. Des écuelles non décorées à profil galbé ou caréné, présentant des fonds de divers types se trouvent dans plusieurs séries homogènes et bien connues pour chacun des styles de la céramique décorée à l’exception du groupe incisé et barbelé. Vases polypodes Les vases polypodes ne sont représentés que par quelques exemplaires dans la vallée du Rhône et à Nîmes découverts très récemment. Les céramiques communes maintenant : Les céramiques communes sont les séries de vases de moyennes à grandes dimensions généralement, mais pas obligatoirement, de réalisation peu soignée, pouvant correspondre à des fonctions de cuisson et surtout de conservation. Il s’agit de morphologies spécifiques ne présentant généralement pas de décors (autre que des cordons et des éléments de préhension pouvant peut-être avoir un caractère ornemental). Ces céramiques comprennent une grande variété de types. Les productions associées aux styles cordés, pointillé linéaire, pointillé international et mixte
Comme c’est le cas pour les céramiques fines, aucune série des styles cordé, pointillé linéaire, international et mixte, n’a actuellement livré de céramiques communes qui pourraient être considérées comme spécifiques. Il s’agit exclusivement, pour ces séries, de céramiques faisant référence aux cultures locales de la fin du Néolithique. Nous y reviendrons dans la partie concernant les contextes de découvertes. Les productions associées au style pointillé géométrique
Si on met de côté les céramiques attribuables aux groupes de Fontbouisse et Rhône-Ouvèze, plusieurs éléments peuvent être mentionnés : il s’agit d’une série de vases de moyennes dimensions, plus ou moins fortement galbé mais présentant un profil en S et un bord redressé. Les fonds semblent assez souvent aplatis et parfois plats. Les productions associées au style incisé et estampé
Les vases de moyennes dimensions sont de morphologies variées. Dans les séries du Verdon, les formes ouvertes et droites sont assez nombreuses et les profils continus semblent majoritaires. Les grands vases présentent plusieurs ensembles morphologiques. Les jarres à perforations en ligne associées à un cordon pré-oral de section triangulaire ne sont présentes qu’en trois exemplaires dans les grottes des gorges du Verdon. Elles sont malgré tout nombreuses dans le sud-est de la France et représentées dans tous les secteurs géographiques où le Campaniforme Rhodano-Provençal est implanté. Aucun vase de ce type n’a été mis au jour en contexte avec un autre style décoratif campaniforme. Pour la rive ouest du Rhône, les jarres à cordon pré-oral ou à lèvre épaissie et éventuellement à perforations en ligne sont présentes sur les deux sites et s’associent à une céramique décorée identique à celle connue en rive gauche du Rhône. Certains sites présentent cependant des spécificités. Les productions associées au style incisé et barbelé
Les céramiques de moyennes dimensions offrent des morphologies variées, à parois convergeantes ou divergeantes, avec des formes restituables en pot à fond plat ou tronconique mais aussi sub-hémisphériques à fond rond. En fonction de ces observations, la céramique campaniforme du sud-est de la France comprend plusieurs ensembles distincts. Un premier ensemble comprend les céramiques décorées dans les styles cordé linéaire, pointillé linéaire, international et mixte. Il s’agit presque exclusivement de gobelets à décor couvrant. Aucune céramique fine ou commune, non décorée, spécifique n’a pu être observée en association avec ces vases. Le deuxième ensemble correspond essentiellement au style décoratif pointillé géométrique (dérivé de l’international) auquel sont associés, dans une moindre proportion, des vases décorés dans les styles du premier ensemble. Les morphologies sont plus variées avec la présence de bols et d’écuelles à côté des gobelets. D’autres formes sont sans doute présentes avec de rares exemplaires d’objets inhabituels (comme le piédestal de la Place du Palais). Le troisième ensemble se compose d’une céramique très homogène et cohérente. La céramique décorée est de style incisé et estampé (groupe rhodano-provençal). Cette dernière observation et celle concernant l’emploi du peigne pour certains décors montre les relations qui unissent cet ensemble à celui du style pointillé géométrique. Les approches technologiques semblent aller dans le même sens, en montrant des situations contrastées, dans le choix des dégraissants, pour les différentes zones de la région étudiée. Le quatrième ensemble correspond au style incisé et barbelé. Si certains aspects des thématiques décoratives sont très proches des productions du groupe Rhodano-Provençal, la technique de réalisation des décors caractéristiques aussi bien que les morphologies des récipients ornés et l’aspect même de ces productions en font un ensemble particulier et assez homogène. Nous allons maintenant voir les autres vestiges mobiliers et expressions culturelles associés au Campaniforme dans le sud-est de la France : les outillages, les parures et les "manifestations artistiques et symboliques". L’outillage lithique est généralement abondant sur les sites qui livrent de la céramique campaniforme, comme sur tous les gisements de la fin du Néolithique du sud-est de la France. Les observations qui ont pu être réalisées sur les principales séries provençales et qui semblent confirmées pour le Gard montrent deux types d’approvisionnements distincts pour les matières premières lithiques. La chaîne opératoire lithique récurrente du Campaniforme est orientée vers la production d’éclats. Même si les lames et lamelles n’ont pas totalement disparu des séries. Les outillages se composent de quelques types récurrents. L’outillage lithique poli Malgré l’apparition à cette époque de haches en cuivre, encore très rares, l’outillage en pierre polie ne disparaît pas, même s’il présente une certaine régression pour l’ensemble du Néolithique final / Chalcolithique, par rapport aux ensembles du Néolithique moyen dans le Midi de la France. Les outillages en matières dures animales Les matières premières osseuses utilisées représentent des espèces diverses. Dans les séries campaniformes, seulement 20 types ou sous-types d’outils ont été identifiés. Voyons maintenant les objets, les outillages et les armes métalliques. Pour la fin du Néolithique, la répartition géographique des objets métalliques connus montre très nettement une concentration en Languedoc, alors que la région provençale et les zones rhodaniennes et alpines semblent presque vides de métal. Cette répartition serait même encore plus déséquilibrée en considérant non la répartition des objets, mais leur nombre ou leur poids. L’essentiel des objets métalliques associés aux contextes campaniformes dans le sud-est de la France est supposé en cuivre par les découvreurs, les analyses disponibles demeurant excessivement rares. La typologie des objets métalliques en contexte campaniforme est relativement réduite. Il s’agit de quelques types d’objet très stéréotypés, mis à part les poignards qui semblent posséder une variabilité plus importante. Les alênes et aiguilles représentent un type d’objet très répandu dans les contextes campaniformes. Elles se divisent en trois grands groupes : les alênes de section carrée, les alênes losangiques et les aiguilles et tiges, très souvent fragmentaires et difficiles à interpréter. Les alênes sont quasi systématiquement des objets bipointes de section carrée, dont la fonction reste indéterminée, mais que de rares exemplaires emmanchés dans un tube en os classent dans les outils plutôt que dans les parures de type piercing. Leur répartition montre une concentration en Languedoc oriental et dans une moindre mesure en Provence occidentale, ce qui n’est pas confirmé dans les publications des sites campaniformes du Languedoc. Les armatures sont presque absentes des contextes campaniformes. Les fameuses pointes de Palmela se limitent à trois objets mentionnés dans le sud-est de la France. Les poignards en contexte fiable sont peu nombreux. Un tout petit groupe se distingue comprenant les poignards de la Balance à Avignon et du tumulus du Serre d’Aurouze à Soyons, de morphologie identique (bien que de nature métallographique différente) et les lames relativement grandes de l’hypogée de Bounias et de la tombe de Verna, de morphologie différente. D’autres objets en cuivre sont parfois présents mais demeurent rares. Il s’agit de haches plates, de ciseaux et d'un bracelet de section triangulaire. Les parures Les parures associées à des objets campaniformes sont nombreuses, principalement dans les sépultures. Les parures considérées comme spécifiquement campaniformes se limitent à deux types particuliers. Les boutons à perforation en V Les boutons à perforation en V, en contexte campaniforme, sont généralement en os, mais certains sont en pierre, en ambre et autres matières. Les pendeloques arciformes L’ensemble des pendeloques arciformes comprend lui aussi de nombreux types différents qui ne sont rassemblés que par la morphologie générale des objets, grossièrement arciforme. Comme l’ont déjà signalé de nombreux chercheurs, toutes sortes de parures peuvent être associées au Campaniforme. Nous n'en ferons pas l'inventaire ici, d'autant que les problèmes des contextes de découvertes interdisent d'être réellement affirmatif. Les objets qu'on appelle brassards d'archers sont des plaquettes de forme ovale ou rectangulaire, en pierre ou en os le plus souvent qui sont interprétés comme des protections de bras pour le tir à l'arc comme ce nom l'indique. Evidemment cette interprétation a souvent été contestée mais la découverte récente d'un brassard en position fonctionnelle entre guillemets dans la sépulture d'Amesbury en Angleterre montre que ce n'était peut être pas si fantaisiste que ça. Ils sont représentés par 22 objets dans le sud-est de la France, surtout en calcaire, mais aussi en grès fin et rarement en schiste. Un unique exemplaire en os est présent. Le problème des manifestations artistiques et symboliques La question de l’art, qu’il soit profane ou considéré comme sacré et, plus encore, celle de tout le domaine cultuel et symbolique se pose pour la fin du Néolithique. Les constructions monumentales à des fins parfois supposées « non utilitaires » couvrent rapidement l’Europe jusqu’à la fin du quatrième et durant le troisième millénaire. Les formes les plus visibles de cette monumentalité particulière se trouvent en Bretagne et dans les îles britanniques, ainsi que dans les îles méditerranéennes. Dans le Midi, ces manifestations monumentales restent rares hors du domaine funéraire. Menhirs et cromlechs sont malgré tout présents, et il faut sans doute leur ajouter, à la suite des réinterprétations récentes, les enceintes annulaires du Languedoc occidental. A la même époque, statuettes, stèles et statues-menhirs donnent des représentations très originales, qu’il s’agisse d’hommes, de héros ou de divinités. Dans plusieurs régions, ce grand mouvement amorcé de longue date se poursuit à la période campaniforme avec les grands monuments britanniques et, sous toutes réserves, les enceintes languedociennes, l’ensemble des objets « symboliques » du Portugal ou les stèles alpines. Qu’en est-il dans le sud-est de la France ? Arts mobiliers
Si un certain nombre d’objets du Campaniforme du sud-est font référence à la Péninsule Ibérique et particulièrement au Portugal, il convient de remarquer que l’ensemble des objets symboliques de la fin du Néolithique portugais (plaquettes gravées, lunules décorées, objets factices comme les herminettes ou les cylindres décorés…) si abondant dans les musées pour l’œil d’un chercheur français, n’est représenté dans le Midi de la France, ni par des objets identiques, ni par des objets équivalents (dans le sens : auxquels on ne puisse trouver une quelconque utilité…). L’attribution réelle de ces objets au Campaniforme pourrait encore être discutée. Campaniforme, stèles et statues-menhirs
Si certaines grandes stèles alpines comme celles des nécropoles du Petit Chasseur à Sion (Suisse) et de Saint-Martin-de-Corléans à Aoste (Italie) peuvent être rattachées au Campaniforme, tant d’un point de vue stylistique (les motifs et leur disposition) qu’à partir des données archéologiques du site même (transformations, réoccupations…), il n’en est rien dans le sud-est. Campaniforme, peintures et gravures rupestres
Plusieurs auteurs ont voulu voir dans le Campaniforme, l’origine ou le moteur de la diffusion d’un art schématique. Des objets campaniformes sont présents dans plusieurs cavités ornées du Var ou du Vaucluse, mais le Campaniforme est loin d’être la seule culture matérielle représentée dans les cavités présentant des peintures. Concernant enfin l’attribution au Campaniforme des premières gravures de la vallée des Merveilles, puisque cela a été proposé, le seul site à mobilier campaniforme probable de ce secteur géographique est le Gias del Ciari à Tende qui n’a livré, pour la période concernée, qu’un unique tesson orné supposé du groupe rhodano-provençal (et c'est pas sûr), accompagné d’un segment de cercle et d’une abondante céramique domestique dont la plupart des types représentés pourraient faire référence à l’âge du Bronze ancien. Les deux autres sites signalés par E. Masson n’auraient livré aucun fragment de céramique campaniforme attesté. L’essentiel du répertoire iconographique gravé des vallées alpines semble bien faire référence à l’âge du Bronze, à partir du Bronze ancien. Les sites campaniformes pris en compte dans l’inventaire, au nombre de 311, se répartissent en 131 sites « domestiques », 99 sites à vocation funéraire, 3 sites présentant des structures funéraires dans un contexte domestique et 78 sites dont la fonction demeure indéterminée. La distribution des sites d’habitat en fonction des styles céramiques présents est très variable, montrant peut-être des situations différentes et, dans tous les cas, un potentiel d’information très contrasté. Les sites correspondant aux céramiques à décor incisé-estampé sont très nombreux par rapport à ceux qui livrent les céramiques à décor pointillé. La proportion des habitats à céramique à décor incisé-barbelé est importante. Les implantations des sites campaniformes montrent une grande variété de types (avec l’usage de cavités aussi bien que de sites de plein air) et de topographies (avec l’existence de sites de plaine et de sites perchés, de sites ouverts et de sites fortifiés). Pour le Campaniforme en général, les habitats montrent une distribution contrastée entre les implantations de plein air qui représentent 71 % des habitats, et les implantations en cavité (grottes et abris : 29 %). Ces implantations en cavité sont en réalité, le plus souvent, des abris sous roches et des pieds de parois, et dans une moindre mesure, de réelles grottes. Les habitats campaniformes présentent tous les types d’implantation possibles, en plaine, de piémonts et en situation de perchement relatif et absolu, et cela aussi bien pour les habitats de plein air que pour les cavités. La distribution des implantations en fonction des styles céramiques présents appelle quelques réflexions. Ainsi les sites qui livrent des céramiques à décor pointillé complexe (style 2) localisés en rive gauche du Rhône présentent des implantations topographiques particulières. A l’exception du site d’Avignon (Vaucluse) dont la topographie réelle m’est inconnue – mais probablement particulière autour du Rocher des Doms, il s’agit de sites perchés et de surface réduite (Les Calades à Orgon, Le Fortin du Saut à Châteauneuf-les-Martigues, Le Col Sainte-Anne à Simiane-Collongue dans les Bouches-du-Rhône), et du site des Barres à Eyguières (Bouches-du-Rhône) de moins de 5000 m2 d’étendue et implanté sur un piémont mais isolé par deux paléotalwegs. Les sites qui livrent des céramiques à décor incisé-estampé du groupe Rhodano-Provençal (style 3) présentent à la fois une répartition beaucoup plus large et une distribution plus homogène entre sites perchés et sites de plaine. Il a été cependant possible de remarquer une répartition géographique différente de ces types d’implantations. En effet, des secteurs beaucoup plus éloignés des grands axes de communications sont concernés par la répartition de ce style céramique et les sites peuvent alors correspondre à des topographies particulières comme dans les gorges du Verdon (Alpes-de-Haute-Provence et Var), dans l’est des Bouches-du-Rhône, certains secteurs du Var et les Alpes-Maritimes. La vallée du Rhône et, à son débouché, le département du Gard, semblent montrer une distribution plus homogène des implantations d’habitat. Les sites qui livrent des céramiques à décor incisé-barbelé (style 4) présentent la particularité de compter une majorité d’implantations de hauteur ou de topographie particulière. Une part non négligeable de ces sites seront d’ailleurs réutilisés à l’âge du Fer comme oppida fortifiés. Les sites de plaine sont malgré tout présents. Ils demeurent peu nombreux comme les implantations en cavités rarement interprétables en terme d’habitat. Les enceintes préhistoriques du sud-est de la France sont, pour la plupart, à rattacher à des contextes autres que campaniformes et souvent antérieurs à ceux-ci. Il s’agit plus particulièrement du groupe Couronnien pour la Provence et du groupe de Fontbouisse en Languedoc oriental. Les seules enceintes réellement attribuables à la présence campaniforme se trouvent sur des sites qui livrent de la céramique à décor incisé-barbelé (style 4). C'est le cas du site du Camp de Laure au Rove dans les Bouches-du-Rhône et probablement du site du Clos Marie Louise, lui aussi proche de l'étang de Berre. Les structures d’habitat connues reflètent autant de diversité dans leurs matériaux et dans leur architecture que dans leurs implantations. Malgré la rareté des données, les quelques sites ayant livré des structures construites témoignent de l’usage de matériaux variés, comme c’est le cas pour l’ensemble de la fin du Néolithique du Midi. La pierre a été utilisée à la fois pour la réalisation de dallages correspondant à des structures dites « légères », mais aussi pour la construction de bases de murs. Le bois et la terre sont sans doute les matériaux les plus utilisés pour des raisons pratiques telles que les conditions simples d’approvisionnement et de mise en œuvre, comme souvent pendant le Néolithique et la Protohistoire. L’absence de pierre dans l’architecture est encore trop souvent synonyme, dans l’esprit de certains chercheurs, de constructions légères ou d’implantations temporaires… Alors que ces matériaux permettent, en réalité, toutes sortes de constructions qui ne nécessitent, peut-être, qu’un entretien plus important que les constructions en pierre. La présence de torchis a souvent été relevée et indique la présence de constructions en terre dont la variété est sans doute importante et non observable. Les formes des structures sont ovalaires aux Calades, à Maupas, au Bois Sacré et, peut-être, rectangulaires au Col Sainte-Anne, aux Ribauds et au Serre 1. Elles peuvent être partiellement implantées dans de faibles cuvettes excavées. Sur le site du Serre 1 à Roynac, J. Vital a pu fouiller une série de trous de poteau permettant de restituer un bâtiment à deux nefs de 63 mètres carrés et de forme rectangulaire. Les cabanes des Calades présentent pour l’une 8 mètres conservés, et pour l’autre des dimensions mesurables de 10 mètres de longueur pour 6 de largeur. La structure en cuvette dallée du Bois sacré mesure 12 mètres de longueur par 4 de largeur et celle de Maupas mesure 12 mètres pour seulement 2,5 mètres de largeur moyenne, mais la largeur maximum conservée est elle aussi de 4 mètres. La rareté des structures d’habitat, le faible investissement technique et l’emploi réduit de la pierre ont parfois été invoqués afin de sous-tendre certaines hypothèses de mobilité ou de spécialisation des groupes campaniformes. Les structures présentes sur les sites reflètent les diverses activités communes à la fin du Néolithique avec des fosses et cuvettes, de rares fosses interprétables en terme de silo, des foyers de divers types et de nombreuses structures d’interprétation plus difficile (petits empierrements…). Dans les structures construites, certains groupes de trous ou de calages de poteau ne correspondent pas à des structures d’habitat mais à des constructions plus réduites (spécialisées ?) ou à des éléments de clôture. Des observations d’ordre temporel peuvent être ajoutées à ces remarques sur l’organisation spatiale. En effet, plusieurs sites témoignent de transformations, de remaniements des architectures et de successions de niveaux d’occupations qui témoignent à mon sens d’une certaine pérennité de l’habitat. Au niveau des implantations, on observe l’existence à la fois de sites de plaine (parfois dans des secteurs à fort potentiel agricole) et de sites dans des secteurs de moyenne (voire haute) montagne plus propices à des activités d’élevage ou liées à des activités spécialisées (approvisionnements en matières premières, chasse…). Mode de vie, économie et échanges Les Campaniformes ont parfois été présentés comme de petits groupes mobiles réoccupant des sites antérieurs ruinés, sans investissement particulier en matière d’habitat.
La mise au jour, en nombre, de réels sites d’habitat homogènes attribuables au Campaniforme, au moins pour les styles 3 et 4, ces trente dernières années dans le sud-est de la France, permet d’avoir une toute autre image des groupes campaniformes. Malgré la faiblesse numérique des données et sans développer beaucoup, l’économie des groupes qui utilisent des vases campaniformes peut être envisagée, au moins à partir de l’examen des quelques contextes fiables. Les observations concernant les approvisionnements en matières premières montrent, elles-aussi, le recours systématique aux ressources locales ou proches. Les rares matériaux d’origine non locale correspondent probablement à des produits finis faisant l’objet d’échanges, parfois de provenance lointaine. Voyons maintenant les sépultures et les rites funéraires Une centaine de sépultures a livré du mobilier spécifique, traduisant l’utilisation de ces tombes à la période campaniforme. Les sépultures les plus nombreuses sont les tombes mégalithiques et les cavités (grottes et abris) qui présentent une proportion identique. Les autres types de sépultures sont presque anecdotiques. cependant les structures tumulaires sans chambre mégalithique pourraient être au nombre de 7. Les « allées couvertes » sont représentées par les monuments très particuliers de Fontvieille. Les seuls hypogées utilisés sont deux monuments de la Drôme. Ils appartiennent à une tradition antérieure, où les vestiges campaniformes correspondent à une réutilisation. La sépulture de La Fare est une fosse ovalaire de près de 3 mètres de longueur pour 2 de largeur, orientée nord-nord-ouest / sud-sud-est et présentant une sorte de marche à son extrémité méridionale. Elle devait être couverte d’une structure tumulaire composée de sédiments et de blocs de pierre. La marche « d’entrée » était couverte par un bloc mégalithique régularisé. Le fonctionnement de cette tombe devait être relativement complexe et la fosse était vide de sédiment au moment de l’effondrement de la structure de couverture. Une des sépultures des Juilléras présente une fosse, creusée dans le dallage d’un monument mégalithique antérieur, dont les dimensions sont très contraignantes pour le corps inhumé. Une autre tombe présente probablement une fosse à ressaut de forme ovalaire marquée par une couronne de galets qui devait maintenir une couverture de bois. Les sépultures tumulaires sont un peu plus nombreuses mais ne permettent généralement que peu d’observations. Des ossements humains et du mobilier archéologique sont généralement recueillis dans des tas de pierrailles et de terres de faible hauteur qui ont pu dans certains cas correspondre aux vestiges du tumulus de structures mégalithiques plus ou moins démantelées ou à des structures mégalithiques de type inhabituel que les chercheurs n’ont pas enregistrés comme des dolmens. S’il est tenu compte de la nature de certains des monuments considérés comme des tumulus, les monuments mégalithiques représentent le type de sépulture le plus fréquent pour les contextes funéraires campaniformes. La distribution générale du nombre de sépultures en fonction des styles céramiques présents est conforme aux observations faites pour les habitats. Les sépultures livrant des campaniformes cordés, linéaires pointillés, internationaux et mixtes sont très peu nombreuses puisque représentées par 6 gisements sur un total de 102 sites funéraires. Les sépultures livrant des campaniformes géométriques sont elles aussi très peu nombreuses avec huit tombes, toutes situées en rive gauche du Rhône et s’étendant des Bouches-du-Rhône aux Alpes-Maritimes. Il s’agit de deux monuments de Fontvieille (Le Castellet et la Source) et de six cavités localisées dans la région rhodanienne et le long du littoral méditerranéen. Les sépultures livrant des campaniformes incisés-estampés ou pseudo-excisés du groupe rhodano-provençal et des styles pointillés complexes connaissent, comme les habitats, une répartition plus large et plus dense. Le type de sépulture dominant est le monument mégalithique, généralement des dolmens ou des tombes en blocs, auxquels il est possible d’ajouter au minimum deux des quatre tumulus inventoriés qui présentent en fait des chambres. Les cavités sépulcrales sont elles aussi très nombreuses. Les sépultures connues pour les campaniformes incisés et barbelés sont actuellement beaucoup moins nombreuses et présentent une répartition différente avec une faible concentration dans le secteur rhodanien, en Ardèche et dans le Drôme, et quelques sites dans l’est des Bouches-du-Rhône et l’ouest-varois. L’inhumation ou le dépôt collectif semble être la règle pour la plupart des sépultures qui ont livré du mobilier campaniforme, cavités et monuments mégalithiques. Les sépultures individuelles demeurent une exception. Si l’inhumation est le rite le plus pratiqué, l’incinération a été mentionnée, en Provence, pour plusieurs sépultures. Les cas demeurent rares et peu probants. Il demeure difficile de caractériser précisément le mobilier funéraire du Campaniforme dans des sépultures, presque toutes collectives, et présentant, le plus souvent, une longue durée d’utilisation ou plusieurs phases d’utilisation successives. Le mobilier funéraire attribué au Campaniforme est, de ce fait, souvent réduit à une série d’objets très spécifiques, absents des sépultures des cultures antérieures. La céramique décorée est présente dans environ 70 des 100 sépultures ou sites funéraires attribués au Campaniforme. Une trentaine de tombes, seulement, est attribuée au Campaniforme par la présence d’autres types d’objets comme les « brassards d’archer », les boutons à perforation en V de morphologie spécifique, les pendeloques arciformes, les alênes en cuivre, les poignards en cuivre et des armatures. Il est difficile d’analyser précisément les relations des différents objets du mobilier funéraire campaniforme dans les sépultures collectives, entre association réelle et dépôts successifs. Nous avons cependant essayé d’observer la réalité du « set campaniforme » et d’éventuelles associations récurrentes. Sur la centaine de sépultures ou ensembles funéraires, 70 ont livré de la céramique décorée et 41 ont livré au moins un élément spécifique non céramique. Céramique et autres éléments spécifiques ne s’associent que pour 24 sépultures. Aucune tombe n’a livré les huit éléments spécifiques associés. Le mobilier funéraire lié au Campaniforme ne se compose évidemment pas uniquement de ces quelques éléments spécifiques. Il demeure très probable que de nombreux types de parure mais aussi de nombreux outils et éléments lithiques puissent être rapportés au Campaniforme, mais leur présence dans d’autres contextes chronologique et culturel ne permet que rarement de préciser cette attribution. Le campaniforme semble lié à des contextes d’inhumations ou de dépôts, dans des contextes collectifs et de tradition déjà implantée localement. Le seul rite attribuable au Campaniforme demeure l’inhumation individuelle. Celle-ci demeure cependant très rare dans le sud-est de la France et les cas publiés ayant bénéficié d’un minimum d’observations sont exceptionnels.
Nous avons vu un bilan documentaire général sur le Campaniforme du sud-est de la France. Les contextes de découverte des vestiges campaniformes dans le sud-est de la France sont multiples. Il peut tout d’abord s’agir de sépultures ou d’habitats. Le Campaniforme peut aussi apparaître seul, de façon homogène, ou être associé à d’autres vestiges caractéristiques des cultures du Néolithique final local. La nature de ces associations sur les sites qui ont pu être étudiés et les styles concernés montrent que cette distribution n’est pas aléatoire. Les contextes strictement campaniformes existent mais ne concernent pas tous les styles reconnus. Tous les cas d’assemblages réellement homogènes sont à attribuer au style incisé et estampé, le groupe Rhodano-Provençal, et au style incisé et barbelé. Pour le groupe Rhodano-Provençal, les contextes « purs » ayant fait l’objet de fouilles sont maintenant relativement nombreux. En ne considérant que les sites pour lesquels il n’y a aucune possibilité de perturbation, il est donc possible d’affirmer la présence de sites campaniformes totalement homogènes. Ceux-ci sont en réalité beaucoup plus nombreux si on considère les sites qui livrent des vestiges du Campaniforme et du Néolithique final sans association réelle. A ce jour, aucun site des styles cordés, pointillés et internationaux ni même du style pointillé géométrique ne peut être considéré comme réellement homogène vis-à-vis des cultures locales. Les contextes qui montrent une association entre des vestiges campaniformes et des vestiges des cultures locales du Néolithique final sont beaucoup plus nombreux que les contextes campaniformes homogènes. La question de ces contextes est l’une des plus importantes pour la compréhension de l’implantation du Campaniforme dans notre région. Elle se heurte au grand nombre de sites qui ne sont connus que par des ramassages ou tamisages et pour lesquels aucune hypothèse ne peut être avancée. Pour le Campaniforme des styles cordés, pointillés, internationaux et mixtes, peu de sites peuvent être pris en compte. Les contextes d’habitat qui livrent des vases campaniformes du style pointillé géométrique occupent une place particulière au sein de ce corpus. Ce style pointillé géométrique du Campaniforme ne semble en aucun cas autonome vis-à-vis des cultures locales. Il est cependant remarquable que ce Campaniforme occupe une place différente selon les sites. Les séries importantes des Calades, des sites d’Avignon ou du Fortin du Saut s’opposent ainsi au cas du site des Barres où le Campaniforme est localisé et numériquement inférieur aux productions locales, dont une partie avec laquelle il est strictement associé. Pour le Campaniforme rhodano-provençal, la situation semble plus complexe dans la mesure ou elle est différente selon les secteurs géographiques. Les séries de style incisé et barbelé sont parfois mises au jour sur des sites occupés par le groupe de Fontbouisse, par le groupe Rhône-Ouvèze et par le Couronnien. Il semble cependant qu’aucune association stricte ne puisse être reconnue. Envisager la chronologie et la périodisation du Campaniforme se heurte au faible nombre et à la mauvaise qualité des données de datation directe (datations isotopiques et stratigraphie). Les données stratigraphiques demeurent très rares dans le sud-est de la France, malgré le nombre non négligeable de cavités fouillées à ce jour. Elles nous renseignent très peu au delà de la place chronologique relative du Campaniforme dans la fin de la Préhistoire. Les datations radiocarbones sont elles aussi très peu nombreuses, avec moins de 40 dates recensées pour l’ensemble de la région. Plusieurs de ces dates sont totalement incohérentes ou correspondent à des contextes douteux. Les rares dates cohérentes pâtissent de l’important palier qui marque la courbe de calibration pour le troisième millénaire et présentent des marges statistiques très larges. Les données stratigraphiques des sites de plein air ont parfois montré une succession entre des niveaux du groupe de Fontbouisse et le Campaniforme, comme pour le fossé du Pesquier-Grange de Jaulmes à Congénies. Mais cette observation ponctuelle ne peut exclure la possibilité d’une synchronie sur d’autres sites. Les stratigraphies permettant d’observer une succession des différents styles campaniformes définis demeurent très rares. Le fossé 4 du site du Pesquier – Grange-de-Jaulmes à Congénies a livré, selon Paul Boutié et Jean-Marc Roger, une séquence International mixte / Rhodano-Provençal / Barbelé, La grotte de la Chauve-Souris à Donzère, fouillée par Joël Vital, a donné une séquence maritime ancien (en contexte d’affinité fontbuxienne possible) / Rhodano-Provençal (en contexte fontbuxien faciès central avec présence d’un vase d’inspiration Remedello) / Rhodano-Provençal (avec présence d’un vase de style audois), Le site du Serre 1 à Roynac lui aussi fouillé sous la direction de Joël Vital a montré une séquence : Rhodano-Provençal / Barbelé et affiliés type Laure / Bronze ancien. Par ailleurs, les données de Castellar – Abri Pendimoun (Alpes-Maritimes), bien que peu importantes numériquement et sous réserve de l’évolution de l’étude, semblent aller dans le même sens avec, au minimum, une organisation stratigraphique International / Rhodano-Provençal (associé à la céramique domestique spécifique). Les datations radiocarbones ne fournissent aucune réelle indication pour la périodisation du Campaniforme. Si ne sont considérées que les dates à faible écart type, nous ne disposons que d’une seule date pour le Campaniforme pointillé géométrique (Les Calades 2 avec un maximum de probabilité entre 2465 et 2198 avant notre ère). Les datations du Campaniforme incisé et estampé se concentrent dans la même période entre 2500 et 2150 principalement. Il est seulement possible de remarquer que les datations récemment effectuées pour les sites campaniformes du style incisé et barbelé se groupent d’une façon assez homogène entre 2200 et 1800 avant notre ère et se distinguent de ce fait des autres styles campaniformes, mais aussi des principales dates connues pour le Bronze ancien non barbelé qui s’étalent sur la première moitié du deuxième millénaire. Malgré la faiblesse des données stratigraphiques et l’absence de datations directes, la périodisation du Campaniforme semble pouvoir être validée en grande partie par le seul examen du mobilier et des contextes de découvertes. Le premier élément – et non le moindre – est l’évolution stylistique visible entre les différents ensembles campaniformes. Une évolution identique peut être observée pour les morphologies de la céramique décorée. Les styles considérés comme appartenant au standard ne présentent que des gobelets. Les séries du style pointillé géométrique montrent la présence, déjà en nombre, de formes basses à côté des gobelets. Cette évolution se poursuit dans le groupe Rhodano-Provençal où le standard semble avoir totalement disparu, jusqu’au style incisé et barbelé où les formes basses spécifiques disparaissent et où la morphologie des gobelets se transforme. Cette évolution stylistique générale de la céramique campaniforme décorée est corroborée par celle de la céramique commune et par les contextes de découverte. La céramique commune associée au Campaniforme décoré est en effet différente selon les styles envisagés. L’évolution des contextes campaniformes est sensiblement identique. Ces contextes sont strictement fontbuxiens ou rhône-ouvèzes pour les styles campaniformes anciens et ne peuvent être strictement autonomes que pour les styles incisé et estampé et incisé et barbelé pour certaines régions. Chaque style campaniforme reconnu semble avoir une autonomie marquée vis-à-vis des autres. Les cas d’association stricte sont très rares, tout comme les remaniements avérés. Certains décors du style 1 sont présents systématiquement sur les sites d’habitat du style 2, pointillé géométrique. L’autonomie réelle de ces deux styles et leur succession chronologique ne sont donc pas certaines. D’autres scénarios plus complexes peuvent être envisagés, tenant compte d’une synchronie possible et d’une distribution différente. Il pourrait s’agir de réseaux de diffusion différents, mais cela n’expliquerait pas l’association des deux styles sur certains sites. Il pourrait encore s’agir d’une différence de nature ou de fonction des deux ensembles stylistiques.
Les styles 3 incisé et estampé et 4 incisé et barbelé semblent s’associer sur un nombre de site relativement important. Il convient de nuancer cette remarque en raison de deux faits. Le premier est que le nombre de ces sites est artificiellement gonflé par la prise en compte des gisements gardois connus uniquement par des ramassages et pour lesquels une stricte association en contexte des deux styles n’est pas assurée. Il est cependant intéressant de remarquer la fréquence des continuités d’occupation d’un même site entre ces deux styles céramiques. Le second fait est issu des observations réalisées dans le cadre de la table ronde d’Aix-en-Provence et du PCR sur les productions céramiques du Bronze ancien du sud-est, sous la direction de J. Vital. Il semble, en effet, que deux types de décors barbelés soient à distinguer en fonction de leur technique de réalisation. Les décors barbelés réalisés au peigne fileté sont le plus souvent, mais pas toujours, en contexte homogène alors que les décors barbelés réalisés par incision ou incision et estampages sont à attribuer au groupe Rhodano-Provençal lui même. Cette distinction n’a que rarement été faite par les chercheurs dont nous utilisons les données, principalement pour le département du Gard, non encore examiné dans le cadre du PCR. Ces différences de techniques sous-tendent deux hypothèses. Il est possible d’envisager une évolution des décors barbelés entre le style rhodano-provençal et le style incisé barbelé. Il est aussi possible d’envisager que les décors barbelés des sites du groupe Rhodano-Provençal sont des imitations de technique locale de ceux des sites du style incisé et barbelé, qui seraient alors partiellement contemporains. Ces deux cas illustrent le caractère simpliste de la périodisation établie qui recouvre sans doute des scénarios plus complexes dans certains cas. Le schéma général de l’évolution stylistique de la céramique décorée semble cependant confirmé par les rares indices stratigraphiques, l’évolution de la céramique commune et les contextes de découverte des séries campaniformes. Plusieurs scénarios parallèles doivent être établis pour interpréter l’évolution du Campaniforme dans le sud-est de la France. Cependant, une mise en contexte géographique plus large peut permettre de choisir entre ces diverses options du schéma spatio-temporel. L’observation précise des contextes sur les sites eux-mêmes a mis en évidence des disparités géographiques parfois importantes selon les différents secteurs de la région d’étude. Ces différences nous renseignent sur les relations complexes entre le Campaniforme et les cultures locales de la fin du Néolithique. Si le Campaniforme est relativement bien réparti dans le sud-est de la France, particulièrement pour le groupe Rhodano-Provençal, à l’exception des départements alpins, le substrat culturel dans cette vaste région n’est pas un tout homogène. Plusieurs cultures distinctes sont présentes dans la première moitié du troisième millénaire et cette géographie culturelle semble avoir des incidences sur l’implantation du Campaniforme et ses relations avec les cultures locales. La périodisation du Néolithique final du Languedoc oriental est l’une des mieux établies du Midi de la France par la présence successive de deux ensembles culturels importants. Pour le troisième millénaire, le groupe de Ferrières semble disparaître vers 2800 avant notre ère pour être remplacé par le groupe de Fontbouisse. Le Campaniforme n’a jamais été reconnu en stricte association avec des vestiges du groupe de Ferrières. Le groupe de Fontbouisse est probablement déjà très largement développé avant l’apparition des premiers vestiges campaniformes qui lui sont parfois associés. La Provence, telle que géographiquement définie ici, est beaucoup plus vaste et marquée par un plus grand nombre de cultures matérielles distinctes micro-régionales ou régionales. Une bipartition chronologique identique à celle observée en Languedoc peut être aisément établie à partir de la présence en Provence occidentale de nombreux éléments de tradition des groupes de Ferrières et de Fontbouisse. A ce jour, il demeure impossible de vérifier une hypothétique association entre Campaniforme et Couronnien. Aucun indice patent, si ce ne sont des datations radiocarbones très imprécises, n’indique un recouvrement chronologique assuré entre ces deux ensembles culturels. Il demeure beaucoup plus difficile d’envisager les aspects chronoculturels de la fin du Néolithique pour la vallée du Rhône et la zone alpine. Les secteurs les plus méridionaux, dans la Drôme et l’Ardèche montrent de nettes affinités avec le schéma languedocien et c’est bien dans des contextes attribuables au groupe de Fontbouisse ou à ses influences qu’apparaissent les éléments campaniformes. Les styles de la céramique décorée campaniforme ainsi que les types de contextes de découverte semblent présenter eux aussi une répartition géographique qui n’est peut-être pas aléatoire. Les sites livrant des objets des styles anciens sont peu nombreux mais présentent une répartition relativement homogène si on tient compte de la faiblesse des données alpines. Les gisement se répartissent de part et d’autre de la vallée du Rhône le long des principales voies de circulation et à son débouché à la fois dans le Gard et en Provence. Les sites du style pointillé géométrique ont, en revanche, une répartition totalement différente. Ils sont présents dans la vallée du Rhône mais uniquement en rive gauche, en Provence rhodanienne, ainsi qu’en basse Provence et en Provence orientale où ils sont liés aux axes de circulation au départ de la côte (étang de Berre, et fleuves du Var et des Alpes-Maritimes). La zone septentrionale est peu affectée avec quelques cas possibles dans la zone médiane de l’Ardèche et les deux vases de l’Abri de Barne Bigou à proximité de l’Isère. Cette répartition exclut totalement le département du Gard qui possède pourtant l’effectif de sites campaniformes le plus important de la région. Le style Rhodano-Provençal connaît une répartition beaucoup plus large et homogène couvrant l’ensemble de la région, si on tient compte encore une fois de la faiblesse des données alpines. Le style incisé et barbelé semble se concentrer autour de la partie inférieure de la vallée du Rhône et de la basse Provence et du Languedoc avec, encore une fois, des extensions remarquables le long des principales voies de communication. L’examen des sites a montré l’existence de contextes variés qui livrent des vestiges campaniformes, particulièrement pour les styles 1 et 3 Les sites qui livrent des objets du style 1, correspondant au standard du Campaniforme sont en Provence soit des sites du groupe Rhône-Ouvèze ou du groupe de Fontbouisse, soit des sites campaniformes du style pointillé géométrique. En Languedoc oriental en revanche, en l’absence de sites de ce style 2, les objets anciens sont mis au jour dans des contextes du groupe de Fontbouisse. Concernant le groupe Rhodano-Provençal, la même partition est observable. Si on essaye de synthétiser ces données de contextes : Chronologiquement, le Campaniforme est partiellement contemporain de certaines cultures locales qui sont, de façon certaine, le groupe Rhône-Ouvèze et le groupe de Fontbouisse et probablement certains groupes qui doivent leur être rattachés comme le groupe Nord-Vaucluse. Les groupes de Fontbouisse et Rhône-Ouvèze ainsi que des groupes plus septentrionaux ont reçu des objets campaniformes du style 1 le long des grands axes de communication que sont la vallée du Rhône, ses principaux affluents et la zone littorale méditerranéenne. Pour le style 1, il semble ne s’agir que de la présence d’objets campaniformes qui sont peut-être, en l’attente d’un plus grand nombre d’analyses, produits en dehors des sites où ils sont présents. Le terme d’importation pourrait être utilisé, mais évoque des échanges à longues distances ce qui n’est pas forcément le cas ici. Il s’agit très probablement d’acquisitions (quels qu’en soient les modes) de tradition et de technique étrangères. Afin de comprendre les modalités de l’apparition, de l’intégration et du développement du Campaniforme dans le sud-est de la France, il est nécessaire de replacer les éléments régionaux dans le contexte général. Il s’agit tout d’abord d’envisager les comparaisons possibles pour les différents éléments campaniformes observés dans la région d’étude. Commençons par les céramiques décorées Le style 1 et les vases du standard campaniforme Si nous nous référons au travail réalisé par L. Salanova qui a permis la mise en évidence de ce standard, la répartition en France des différents types de décors du standard montre l’existence d’une concentration atlantique et une extrême rareté dans la moitié orientale de la France. Les vases à décor linéaire couvrant, réalisé à la cordelette sont cependant présents dans presque toutes les régions étudiées, en Bretagne, dans le Bassin Parisien, dans le Centre-Ouest atlantique et dans le secteur Pyrénées – Languedoc. Le style 2 pointillé géométrique La répartition des thèmes décoratifs de ce style est assez large. Le style 3 incisé et estampé (rhodano-provençal) Les vases décorés de style rhodano-provençal semblent eux aussi renvoyer à un ensemble méditerranéen et ibérique. Les thèmes décoratifs et leur traitement les apparentent au style pyrénéen et à de nombreuses séries de la Péninsule Ibérique. Le style 4 incisé et barbelé La répartition des décors barbelés est assez large en Europe. Elle affecte tout le Midi méditerranéen de la France, l’Italie septentrionale et probablement la Catalogne. L’Europe du nord montre des décors similaires dans plusieurs régions d’Allemagne, les Pays-Bas et les îles britanniques. Il s’agit d’une nouvelle mode décorative dont les techniques de réalisation élaborées excluent sans doute l’hypothèse de simples convergences stylistiques et traduit plutôt, comme pour le Campaniforme, un système complexe de diffusion et d’influences à grande échelle. Les formes des céramiques à décor barbelé, présentes dans le sud-est de la France ne correspondent pas toutes aux morphologies de la tradition campaniforme régionale. Tous les thèmes représentés dans les séries incisées et barbelées sont présents dans les séries du groupe Rhodano-Provençal mais sont aussi présents dans d'autres ensembles campaniformes aussi bien le groupe Pyrénéen que le Campaniforme d'Italie septentrionale. Les céramiques lisses
Les céramiques non décorées ont généralement été beaucoup moins décrites et représentées que les céramiques ornées. Les comparaisons possibles sont donc peu nombreuses et de portée limitée. La céramique fine du groupe pointillé géométrique est constituée pour une part de formes spécifiques de type gobelet inorné et bol ou petite écuelle pouvant présenter un fond ombiliqué. Ces types céramiques sont associées au Campaniforme pointillé géométrique en Languedoc occidental comme au Mourral-Millegrand à Trèbes. Les données pour la péninsule ibérique montrent la présence de bols et d’écuelles carénées à fond ombiliqué ou non. L’autre composante de cette céramique semble locale avec la présence associée de formes attribuables au groupe Rhône-Ouvèze sur les sites provençaux. La céramique commune du groupe pointillé géométrique En l’état actuel des connaissances, celle-ci semble entièrement à rapporter au groupe local Rhône-Ouvèze ou à l’extension orientale du groupe de Fontbouisse. Elle présente, sur les séries observées, des évolutions assez peu importantes (fonds plats et proportion de certaines formes en S). Aucun des types à cordon pré-oral de section triangulaire ou à perforations en lignes n’a été mis au jour dans ces contextes. La céramique fine non décorée du groupe Rhodano-Provençal La céramique commune du groupe Rhodano-Provençal La fragmentation des objets et le faible nombre de séries ayant fait l’objet d’études spécifiques et exhaustives ne permet pas encore de faire la part exacte entre les morphologies strictement locales et les types observés dans une vaste aire géographique. Ce sont ces derniers qui focalisent l’attention par l’existence de quelques types aisément identifiables et récurrents. Il s’agit des jarres, généralement de moyennes dimensions, présentant un cordon lisse pré-oral (ourlant le bord ou situé peu au-dessous), de section triangulaire et souvent étiré plutôt qu’ajouté. Ces jarres peuvent présenter une ligne de perforations entre le cordon et le bord. La répartition en France de ces types particuliers montrent une nette concentration dans le groupe Rhodano-Provençal et dans le groupe Pyrénéen jusqu’à Toulouse. A l’extérieur du Midi méditerranéen ces types sont présents de façon plus ponctuelle dans l’axe rhodano-rhénan ainsi que dans le Jura suisse. Le type cordon pré-oral et perforations en ligne est aussi présent à l’extérieur de cet ensemble géographique en Bretagne et sur la façade atlantique ainsi qu’en Italie centrale. Dans le nord-ouest de la péninsule ibérique on note la présence dans un contexte campaniforme incisé d’un vase à perforations en ligne sous le bord et d’un autre à cordon pré-oral de section triangulaire mais impressionné. La documentation concernant la péninsule ibérique est pauvre en céramique commune. L’essentiel des vases figurés appartiennent à une céramique fine souvent assez standardisée (gobelets à profil en S, bols et écuelles). L’examen des principales synthèses réalisées pour les différentes régions de la péninsule ne permet pas de mettre en évidence de liens pour la céramique commune à l'exception de rares remarques mais il s'agit encore d'un état de la recherche. La céramique commune du groupe incisé et barbelé Le travail, en cours de réalisation par J. Vital, montre que les séries céramiques du groupe barbelé résultent probablement d’un assemblage complexe d’influences. La part du Campaniforme local dans les morphologies peut être importante, mais J. Vital a relevé principalement pour la partie méridionale du sud-est de très nombreuses correspondances avec l’Italie centrale. Les comparaisons avec la zone centre-européenne semblent surtout concerner les ensembles rhodaniens du début du Bronze ancien « non barbelé ». Les sites d'Italie centrale offrent des connexions possibles avec les morphologies provençales en particulier. Concernant les autres éléments culturels : Les outillages Les outillages lithiques et osseux sont trop ubiquistes pour préciser de façon satisfaisante leur place au sein d’un contexte général de la fin du Néolithique et du Campaniforme. Les objets métalliques Les poignards en cuivre mis au jour dans des contextes campaniformes relativement cohérents se divisent en quatre catégories distinctes au minimum. Les éléments de parure Concernant les boutons à perforation en V, hémispériques ou en tortue en os, les principales concentrations semblent méridionales, avec un groupe très important au Portugal qui pourrait avoir diffusé vers le nord le long de la côte atlantique et vers la Méditerranée avec une répartition littorale et insulaire qui semble se poursuivre dans la vallée du Rhône. La répartition des boutons coniques semble identique. Concernant la chronologie générale du Campaniforme en Europe : Les études les plus récentes, sur l'ensemble de l'Europe ont montré une nette antériorité des datations campaniformes dans le sud-ouest de l’Europe, centrée sur la péninsule ibérique. Les datations du Campaniforme septentrional et de l’Europe centrale présentant des décalages importants par rapport à cette première série. L’observation des contextes d’apparition du Campaniforme dans le sud-est ne permet pas de proposer une apparition locale de ces éléments à partir des substrats culturels régionaux. Nous allons maintenant terminer sur un essai d'interprétation historique de l'insertion et de l'évolution du Campaniforme dans le sud-est de la France. Voyons tout d'abord le contexte d'insertion du Campaniforme : la fin du Néolithique. La périodisation de la fin du Néolithique proposée par A. D’Anna pour la Provence, que nous avons révisée et complétée, s’articule avec les observations languedociennes et permet de rendre compte de l’essentiel des phénomènes culturels observés. La première étape (D’Anna 1A) est apparemment commune à une grande partie de la région. Le Néolithique moyen Chasséen ne semble plus fournir beaucoup de datations après 3700-3600 avant notre ère. Dans la période qui suit, entre 3600 et 3100, et peut-être un peu au delà, des ensembles céramiques mis au jour en Languedoc, en Provence et dans la vallée du Rhône présentent une tradition chasséenne commune où est notable l’apparition d’éléments nouveaux, dans les types de décors, la présence de cordons et certaines morphologies. Des décalages chronologiques d’une région à l’autre et l’apparition de groupes régionaux distincts sont probables mais pas encore clairement mis en évidence. Ces groupes et la période sont qualifiés de « Néolithique récent », synchrones avec les groupes plus septentrionaux (Horgen, S.O.M.), ce qui n’est pas totalement satisfaisant et ne constitue qu’un vocabulaire d’attente. La deuxième étape (D’Anna 1B) correspond à la mise en place des cultures matérielles du Néolithique final qui semble s’effectuer principalement dans les deux ou trois derniers siècles du quatrième millénaire pour le groupe de Ferrières en Languedoc oriental et le groupe Couronnien en Provence. Le groupe de Ferrières semble présent jusqu’en Provence occidentale et étend son influence bien au delà, en Haute-Provence et remonte la vallée du Rhône. Un groupe particulier à la région rhodanienne de la Provence, appelé groupe de Fraischamp se développe aux extrémités occidentales du plateau de Vaucluse et du massif du Luberon, s’étendant probablement vers l’intérieur de la Provence par la vallée de la Durance. Le groupe Couronnien s’étend assez largement en Provence et s’associe sur certains sites à du mobilier de style ferrières. La chronologie précise de ces expansions culturelles n’est pas encore établie. La situation en Provence orientale et dans les départements alpins est encore méconnue. Ce qui ressort de ces quelques observations est le grand dynamisme culturel de la région étudiée à la fin du Néolithique. Au delà des relations culturelles internes au sud-est de la France, la situation de cette région au carrefour de la vallée du Rhône et du littoral méditerranéen semble avoir joué un rôle important dans ses développements culturels et dans sa position au sein des échanges à longue distance à certaines époques. L’apparition à peu près concomitante, mais non systématiquement associée, du rite funéraire de l’inhumation ou du dépôt collectif et des monuments mégalithiques, dans la seconde moitié du quatrième millénaire est le plus important phénomène d’origine strictement extérieure à la région. Cette diffusion dont les modalités sont encore à préciser est d’origine occidentale. Si les influences de l’extérieur ne semblent pas très importantes dans le sud-est de la France pour la période pré-campaniforme, il n’en est pas de même de la dynamique culturelle vers l’extérieur des groupes locaux et particulièrement des groupes languedociens de Ferrières et de Fontbouisse. La question de la métallurgie, qui est strictement antérieure au Campaniforme dans le sud-est de la France, est aussi très intéressante. Le développement de la métallurgie méridionale autour du centre minier de Cabrières dans l’Hérault est de mieux en mieux connue et se développe dès le tout début du troisième millénaire. En revanche, les modalités et la chronologie de la diffusion des objets métalliques et de la pratique métallurgique dans le sud-est de la France sont encore en grande partie inconnues. Tous les objets métalliques présents dans le sud-est avant la période campaniforme ne sont d'ailleurs pas à attribuer à la métallurgie languedocienne et témoignent de l'existence d'autres centres et d'autres contacts. La période est aussi marquée par une volonté d'ostentation des groupes : Les sépultures dolméniques se développent peu ou prou au même moment, même si localement leurs premières manifestations sont sans doute antérieures au développement des enceintes. Si elles sont bien à dater des premiers temps du Néolithique final, elles seront utilisées jusqu’à la fin de la période considérée et même au delà, ce qui leur confère une importance comme élément des rites funéraires et aussi dans le paysage et probablement l’acquisition et la reconnaissance des territoires. La fin du Néolithique est aussi le moment du développement de la statuaire anthropomorphe, de l’érection de quelques monuments mégalithiques supposés non funéraires et du développement des peintures et gravures rupestres dans plusieurs secteurs du sud-est de la France. Dans la première moitié du troisième millénaire, le sud-est de la France présente deux séries de caractères apparemment contradictoires. Et c’est dans ce contexte que le Campaniforme apparaît dans le sud-est de la France. Les plus anciens objets campaniformes présents dans le sud-est de la France font référence aux styles 1 et 2. Ces objets se présentent le plus souvent dans des contextes où ils s’associent à des objets des cultures du Néolithique final local. Et, si des objets du style 1 peuvent présenter des contextes homogènes, les assemblages du style 2 incluent systématiquemen des objets ou des thèmes décoratifs du style 1. Scénario 1-1 succession du phénomène et de la culture Des vases du style 1 se diffusent, selon des modalités inconnues, dans les groupes de Fontbouisse et Rhône-Ouvèze. Ces objets sont utilisés dans des sépultures et sont alors uniques ou constituent de petits dépôts mais peuvent aussi être présents sur des sites d’habitat où ils peuvent être plus nombreux au sein de séries locales. Leur origine est difficile à préciser. Ces objets ne sont pas directement comparables aux grands gobelets rhénans, et l’axe Rhin-Rhône ne constitue peut-être pas l’axe majeur de diffusion dans un sens nord-sud. Ces vases trouvent de meilleures comparaisons sur la façade atlantique, dans les Pyrénées et en Languedoc occidental et Catalogne. Leur origine pourrait donc être occidentale. Scénario 1-2 synchronie de la culture et de la diffusion d’objets Les styles 1 et 2 correspondent à une seule diffusion d’origine occidentale, à partir du Languedoc occidental qui atteint le delta du Rhône et remonte le fleuve en s’implantant en rive gauche. Les sites du style 2 que nous connaissons correspondent à l’intégration de groupes campaniformes au sein des cultures locales, ce dont témoignent les mixités stylistiques et techniques fréquemment observés. Cette implantation ne gagne pas l’intérieur des terres et se cantonne aux abords de la vallée du Rhône et de ses affluents, et au littoral méditerranéen, le long des principaux fleuves. A partir de ces sites du style 2 sont diffusés auprès des communautés locales des objets du style 1 qui correspondent donc à un usage particulier ou ont une valeur particulière. La diffusion de ces objets gagnent l’intérieur des terres jusqu’à des zones éloignées de ces « centres distributeurs », en Languedoc oriental et dans les Alpes. Synthèse Le scénario de la succession chronologique des styles pose plusieurs problèmes. Il ne permet pas d’expliquer la nature de la diffusion des objets les plus anciens. Il ne permet pas non plus d’expliquer les différences de répartition géographique et de nature des assemblages des styles 1 et 2. L’hypothèse d’une synchronie de ces deux styles et d’une différence fonctionnelle entre les deux types d’assemblages permet à la fois d’expliquer leur origine géographique probablement commune, leur répartition et leur nature différentes. Ce second scénario entraîne deux hypothèses. La première est qu’un groupe extérieur à la région considérée a intégré les éléments du standard dans sa culture matérielle, en les transformant (Portugal ?). La seconde est qu’un autre secteur géographique a permis la synthèse entre les éléments d’origine ibérique (Palmela, boutons à perforations en V, céramique décorée spécifique), et des éléments atlantiques plus septentrionaux (décors à la cordelette). Ce secteur géographique pourrait être l’extrémité orientale de la chaîne pyrénéenne et le Languedoc occidental au croisement des diffusions sud et nord-pyrénéennes. Si ces hypothèses ne sont pas pleinement validées, rien ne semble pouvoir actuellement les infirmer. Dans ce schéma, il est séduisant d’imaginer la diffusion du Campaniforme méditerranéen sous la forme d’un déplacement de groupes campaniformes ibériques le long du littoral et des principales voies de communications (essentiellement fluviales). Ce ou ces déplacements sont marqués par des implantations proches des estuaires et le long des fleuves et des accès potentiels comme l’Aude, l’Hérault, le Rhône, l’étang de Berre et les petits fleuves du Var et des Alpes-Maritimes. Ces implantations se font sur des sites des cultures locales ou par création de nouveaux habitats, mais ceux-ci intègrent probablement très rapidement des indigènes. Le site des Barres à Eyguières montre peut-être l’implantation d’un groupe campaniforme au sein d’un habitat local, mais dans un secteur particulier. Ces groupes ne se sont pas implantés en rive droite de la basse vallée du Rhône, en terre fontbuxienne. Ceci pourrait s’expliquer par l’extrême dynamisme du groupe de Fontbouisse qui ne semble pas avoir intégré d’influences extérieures tout au long de sa durée, alors que la Provence est traditionnellement plus réceptive aux influences extérieures. C’est à partir de ces sites que sont diffusés les vases campaniformes classiques, ceux qui s’apparentent au standard, auprès des communautés locales et même dans le groupe de Fontbouisse. La progression de ce Campaniforme pointillé géométrique dépasse le cadre du sud-est de la France tel qu’il a été défini et s’étend probablement au-delà, vers le nord. Concernant maintenant l’apparition du Campaniforme Rhodano-Provençal Scénario 2-1 évolution, importation et intégration
Un premier scénario peut proposer une évolution sur place dans le sud-est de la France du Campaniforme du style 2, pointillé géométrique, intégré par les groupes locaux du Néolithique final. La filiation se traduit par des phénomènes de traditions et d’évolutions stylistiques à la fois pour la céramique décorée et pour la céramique commune. L’intégration est marquée par la grande diffusion à travers la région, jusqu’aux secteurs les plus reculés et par un certain nombre de traditions néolithiques, comme la perduration de l’usage majoritaire des dolmens comme sépultures collectives. Ce développement se fait probablement avec des décalages chronologiques d’un secteur à l’autre. La stricte autonomie de ce Campaniforme en rive gauche du Rhône et son association dans le Gard avec des objets de style fontbuxien pourrait aller dans ce sens. Ce développement secondaire dans le Gard avait d’ailleurs déjà été envisagé plusieurs fois. Scénario 2-2 Routes et Provinces campaniformes Pour le développement du groupe Rhodano-Provençal, il est aussi possible d’envisager une part exogène plus importante. Si la filiation sur place ne semble pas pouvoir être totalement remise en cause, les contacts, principalement avec la Péninsule Ibérique pourraient avoir été importants. Il peut s’agir soit d’un nouveau phénomène de déplacement apportant de nouvelles traditions matérielles de même essence que les précédentes, ou plus probablement de contacts privilégiés et répétés entre la Péninsule Ibérique et le sud-est de la France. Ceci permettrait d’expliquer l’évolution parallèle des assemblages céramiques de ces deux régions en même temps que leur autonomie stylistique. Concernant enfin l’apparition du Campaniforme incisé et barbelé L’apparition des céramiques à décor barbelé autour de 2200-2150 avant notre ère, est un phénomène aussi complexe que ceux évoqués précédemment. Ce phénomène fait actuellement l’objet d’études spécifiques, non encore abouties, qui permettront peut-être de répondre à certaines questions. Il est néanmoins possible de proposer des scénarios pour expliquer leur apparition et leur développement. Scénario 3-1 Le campaniforme barbelé Le premier scénario propose une filiation directe du Campaniforme rhodano-provençal au groupe à céramique à décor barbelé. Cette filiation pourrait être suivie à travers l’apparition de céramiques à motifs barbelés réalisés par incision ou incision et estampage, puis celle de décors réellement barbelés réalisés de façon plus pratique et rapide au moyen d’un outil spécifique de type peigne fileté. Scénario 3-2 Le groupe à céramique à décor barbelé (groupe Barbelé) Pour prendre en compte ces données contradictoires, un second scénario peut être proposé sur la base d’un apport extérieur plus important. Selon ce schéma, le groupe à céramique à décor barbelé correspond à un ensemble clairement étranger à la région. Les comparaisons qui ont pu être faites placent la région d’origine des morphologies céramiques en Italie et plus précisément en Italie centrale, mais ceci pourrait correspondre à l’état lacunaire de la documentation pour l’Italie septentrionale. Parallèlement, le décor barbelé réalisé avec un outil spécifique pourrait trouver son origine dans la région nord-ouest des Balkans (Slovénie) et semble s’étendre actuellement au moins jusqu’à la région de Vérone en Italie septentrionale. Cette origine dans une région où le Campaniforme a connu un développement assez important (Italie centrale ou septentrionale) permet d’expliquer de façon simple la synthèse entre des formes italiques et des thèmes décoratifs de tradition campaniforme. Je ne développerai pas ici la partie théorique d'extension de ces modèles aux problématiques générales du Campaniforme en Europe, car cela nous emmènerait trop loin et c'est aussi un peu aride. Environ 300 sites, dont 130 habitats et une centaine de tombes ; plus de 1400 vases décorés dénombrables ; 134 thèmes décoratifs reconnus ; et, « seulement » 70 objets métalliques, 22 brassards d’archer, 25 boutons à perforation en V et autant de pendeloques arciformes ; mais aussi des choix d’implantation, des architectures, des outillages lithiques et osseux, des structures, des restes de céréales et d’animaux, des milliers de vases non décorés et de parures… C’est ce qu’offre aujourd’hui, à notre sagacité, le sud-est de la France campaniforme. Le sud-est de la France présente bel et bien quatre ensembles campaniformes distincts correspondant aux quatre styles de la céramique décorée mis en évidence par J. Guilaine. Cette partition est confirmée par l’examen des autres catégories de données et particulièrement les types de céramique commune et les contextes de découverte. Les céramiques décorées du style 1 (cordé, pointillé linéaire, international et mixte) ne se présentent pas comme une vaisselle complète, mais comme des éléments peu nombreux et standardisés (gobelets). Elles ne s’associent pas à une céramique commune spécifique et apparaissent, le plus souvent, dans des contextes locaux du Néolithique final (habitats et sépultures). Leur lieu de production est inconnu. Leurs matières premières peuvent être régionales mais leur réalisation correspond à traditions techniques spécifiques. Les objets « nouveaux », associés, sont très rares et métalliques. Les céramiques du style 1 peuvent également apparaître au sein des assemblages où le style 2 est dominant. Les céramiques décorées du style 2 (pointillé géométrique) montrent une variété de décors et de morphologies, marquée par le peu d’importance du standard atlantique et la présence de formes basses. Une céramique fine non décorée est présente. Les céramiques du style 2 apparaissent sur des sites, peu nombreux et essentiellement localisés géographiquement en rive gauche de la basse vallée du Rhône, où elles s’associent à du mobilier attribuable aux groupes de Fontbouisse et Rhône-Ouvèze. La céramique commune est de tradition locale rhône-ouvèze, mais la présence de traits campaniformes est discernable. Des transferts techniques entre les productions campaniformes (fabriquées localement) et rhône-ouvèzes sont remarquables et des cas de mixité stylistique sont observés pour les céramiques décorées. D’autres éléments spécifiques sont présents comme des objets métalliques, des parures et probablement un outillage lithique. Les sites montrent souvent une topographie particulière. Des habitations sont connues et toutes les activités domestiques et agro-pastorales sont représentées. Les rares sépultures sont collectives et essentiellement en cavité. Les céramiques décorées du style 3 (incisé, incisé et estampé, pointillé complexe du groupe Rhodano-Provençal) comprennent de nombreuses morphologies parmi lesquelles les formes basses sont très importantes. Les décors sont également très diversifiés. La présence de décors imitant le barbelé est notable. Elles s’associent à de nombreuses céramiques non décorées spécifiques dont une céramique commune caractéristique et forment une gamme de vaisselle complète. De nombreux types de parure, objets métalliques, et l’industrie lithique sont aussi spécifiquement campaniformes. Ces assemblages sont présents sur de très nombreux sites dans toute la région considérée. Dans la plupart des secteurs géographiques, il s’agit de sites homogènes qui ne montrent aucune association avec des éléments de styles locaux. Dans le Gard et sur certains sites rhodaniens, en revanche, la présence de quelques objets de tradition fontbuxienne associés au campaniforme est remarquable. Les sites montrent une grande variété d’implantations et des architectures différentes selon les secteurs. Toutes les activités sont représentées et des complémentarités entre sites sont probables. Les sépultures sont nombreuses et peut-être variées mais ce sont les dolmens qui sont le plus largement utilisés, avec les cavités. Les céramiques décorées du style 4 (incisé et barbelé) sont marquées à la fois par une tradition campaniforme et par des spécificités inédites qui concernent les morphologies et la technique de décor elle-même. Une céramique commune leur est associée ainsi que quelques éléments spécifiques comme de très rares objets en bronze. Les contextes sont pour l’essentiel homogènes, mais la présence de vases du style 4 au sein de séries ou sur des sites du groupe Rhodano-Provençal est fréquente. Les implantations sont diversifiées mais les sites de hauteurs sont nombreux et s’associent parfois à des enceintes pouvant correspondre à de réelles fortifications. La répartition des sites et leur nombre sont moins importants que pour le Campaniforme Rhodano-Provençal. Les sépultures sont majoritairement des cavités, mais la sépulture individuelle, qui n’a peut-être jamais disparu dans le sud-est, semble se développer. Outre la distinction de ces ensembles, un autre fait important est le caractère domestique de l’essentiel du Campaniforme du sud-est de la France. Les sites d’habitat sont nombreux et montrent une variété d’architecture (pour le groupe Rhodano-Provençal). Toutes les activités domestiques et de subsistance sont représentées pour les Campaniformes des styles 2, 3 et 4. Seul le standard du Campaniforme (style 1), tel qu’il a été défini par L. Salanova, ne peut être considéré comme une culture archéologique au plein sens du terme. L’ensemble des données montre une partition entre des traditions pouvant être strictement locales et des changements liés à l’apparition du Campaniforme. Ces deux composantes ne semblent pas d’égales proportions pour les différents ensembles campaniformes reconnus. Des objets correspondant au style 1 (le standard) sont présents systématiquement dans des contextes où le style 2 est dominant (mais en faible nombre). Dans tous les autres cas, ils ne constituent qu’un « placage » dans des ensembles du Néolithique final local. L’ensemble de style 2 est marqué par une réelle mixité où certains éléments sont clairement étrangers à la région (style et technique de la céramique décorée, industrie lithique, objets métalliques, certains éléments de parures, et peut-être les formes de l’habitat et le choix des sépultures) et les autres strictement locaux (typologie et, pour une part, technique des céramiques communes, style d’une partie de la céramique décorée). Les autres outillages et les activités de subsistance ne peuvent pas être discriminés. L’ensemble de style 3 montre des céramiques décorées faisant référence à d’autres régions, comme certaines morphologies de la céramique commune. Les autres éléments mobiliers sont ubiquistes. Les sépultures appartiennent aux traditions locales du Néolithique final. L’ensemble de style 4 présente plusieurs traits nouveaux qui renvoient, encore une fois, à des régions différentes concernant la technique de réalisation des décors de la céramique mais également pour certaines morphologies et pour les objets en bronze. Les autres outillages sont conformes à ceux observés dans les ensembles précédents. L’apparition du Campaniforme dans le sud-est de la France est encore difficile à dater. Elle se situe probablement autour de 2500 avant notre ère, peut-être un peu avant, mais les données chronologiques fiables sont encore trop peu nombreuses. L’hypothèse chronologique d’une succession du style 1 et du style 2 ne peut, cependant, être écartée. La diffusion des vases du style 1 pourrait dans ce cas correspondre à une première diffusion très ponctuelle – des contacts – sans implantation réelle d’origine extérieure qui n’est envisageable que pour le Campaniforme pointillé géométrique. Les manifestations du groupe Rhodano-Provençal (style 3) sont probablement strictement postérieures (à partir de 2400-2300) à la phase précédemment décrite. Le développement de ce groupe procède cependant, au moins partiellement, d’un développement du Campaniforme pointillé géométrique. Certaines composantes de cette culture indiquent néanmoins qu’il ne peut s’agir d’un simple développement sur place et que des contacts se poursuivent avec des régions extérieures, tandis que d’autres, nouveaux, s’établissent. Le groupe Rhodano-Provençal remplace les cultures locales en rive gauche du Rhône et s’implante, dans le Gard, alors que le groupe de Fontbouisse est toujours présent, ce dont témoignent de manifestes échanges d’objets et même la présence d’objets stylistiquement mixtes comme le vase récemment mis au jour au Mas de Vignoles à Nîmes (Gard). Le groupe Barbelé, dont les datations sont plus homogènes, apparaît entre 2200 et 2150 avant notre ère, sous une nouvelle impulsion étrangère. S’il finit par succéder au groupe Rhodano-Provençal, et souvent sur les mêmes implantations, il apparaît à un moment où le groupe campaniforme n’a pas encore disparu. La présence de rares vases barbelés et la fréquence d’imitations de décors barbelés dans les séries rhodano-provençales pourraient montrer un schéma d’intégration d’une nouvelle composante culturelle ou de cohabitation avec un ensemble étranger, sans qu’il soit possible de trancher. Les sites attribuables au groupe Barbelé (style 4) montrent, pour une part, de nouveaux choix d’implantation et l’apparition de réelles fortifications d’un type inédit, traduisant des changements, encore non interprétés, dans la situation régionale. Les relations entre Campaniforme et cultures locales du Néolithique final sont patentes, et variées dans le temps et dans l’espace. Il est évident que le Campaniforme n’apparaît pas dans une région vide de toute population. Nous avons pu préciser que les principaux groupes culturels à entretenir des relations directes avec le Campaniforme sont le groupe de Fontbouisse et, peut-être plus encore, le groupe Rhône-Ouvèze dont la définition pourrait indiquer qu’il s’agit du résultat de l’influence fontbuxienne sur le groupe Couronnien. Cette dernière interprétation pourrait, en même temps, expliquer l’absence de relations directes observées entre Couronnien et Campaniforme, qu’il s’agisse d’un décalage chronologique ou d’alliances culturelles privilégiées. Concernant les premiers éléments campaniformes (styles 1 et 2), les principales comparaisons renvoient systématiquement vers l’ouest et plus précisément à deux zones d’échelle différente : la Péninsule ibérique et, plus largement, la façade atlantique. Il est difficile de reconnaître une zone nucléaire unique aux différents éléments observés dans le sud-est. Si le Portugal pourrait constituer cette zone, sur plusieurs plans, la quasi absence du décor à la cordelette dans ce secteur montre qu’il ne suffit pas à expliquer la genèse du Campaniforme du sud-est. Le nord-est de la péninsule et la région « Pyrénées – Roussillon – Languedoc occidental » constituent potentiellement la zone de relais où la synthèse des éléments reconnus dans le sud-est a pu s’effectuer. Dans ce cadre, l’importance indéniable de l’axe rhodanien doit être considérée dans le sens sud-nord – par la diffusion de ces styles anciens (1 et 2) qui atteignent au moins le site de Derrière le Château dans l’Ain – et non dans le sens nord-sud, en l’absence d’éléments strictement septentrionaux dans le sud-est de la France. Avec le développement du groupe Rhodano-Provençal, les relations avec les autres régions changent partiellement. Les liaisons avec le Languedoc occidental (groupe Pyrénéen) et avec la Péninsule ibérique sont toujours très nettes. Mais, des contacts, probablement secondaires, s’établissent avec des régions septentrionales et peut-être orientales, par l’axe rhodanien. Pour le groupe Barbelé, de nombreuses comparaisons indiquent un nouveau basculement des relations, avec une composante italique importante. Celle-ci n’est pas encore localisée précisément et présente à la fois des traits nord-orientaux (d’origine balkanique nord-occidentale) et d’autres centraux (Toscane). Il s’agit d’un nouveau réseau, probablement distinct des précédents, alors que des influences septentrionales et nord-orientales (Europe centrale) sont peut-être sensibles, à la même époque, jusque dans la moyenne vallée du Rhône. Le Campaniforme serait, en fonction de ces observations, à partager en plusieurs entités bien distinctes d’origines et de chronologies différentes. Concernant les différentes diffusions rapportées au Campaniforme, il faut remarquer qu’il ne s’agit que très rarement de simples diffusions d’objets. Celles-ci peuvent néanmoins exister, parfois à longue distance, mais le plus souvent à l’intérieur du cadre régional. Les approches technologiques de la céramique par F. Convertini indiquent très clairement la présence de transferts techniques et la diffusion de savoir-faire à travers des régions non contiguës qui induisent le déplacement d’individus. Concernant le nombre de ces individus, il demeure difficile de répondre. L’arrivée de populations importantes est très improbable pour les implantations du Campaniforme pointillé géométrique, comme pour la diffusion des vases du standard (quel que soit le scénario retenu). Tout au long de cette période d’implantation, puis du développement du groupe Rhodano-Provençal, la présence d’une tradition locale est manifeste. Cependant, l’explication du phénomène d’acculturation massive – perceptible par le développement numérique et géographique des sites à céramique incisée et estampée qui, d’une façon ou d’une autre, finissent par supplanter et remplacer les sites du Néolithique final local – peut-elle trouver son origine dans le rayonnement des quelques sites du Campaniforme pointillé géométrique ? Peut-être. Mais, à vrai dire, nous ne le pensons pas. Le développement du Groupe Rhodano-Provençal correspond à de nouveaux contacts avec les régions occidentales (entre l’Aude et la Péninsule ibérique) et sans doute à l’implantation d’une population. Ce schéma permettrait de comprendre pourquoi le Languedoc oriental, seulement gagné par quelques vases du standard dans un premier temps, se trouve ensuite couvert d’implantations du Campaniforme Rhodano-Provençal. Si notre démarche n’a pas consisté à tester un modèle choisi au départ, la mise en place de ce schéma spatio-temporel a conduit à s’interroger sur une interprétation générale de ces observations. Les données relatives à l’implantation des Grecs en Languedoc (que je n'ai pas développées ici) montrent une grande similitude avec celles qui concernent l’apparition du Campaniforme dans le sud-est. L’interprétation qui est faite des premières à l’avantage de reposer partiellement sur des sources écrites (certes tardives) et sur des récurrences dans plusieurs secteurs de la Méditerranée. Si la validité de cette approche n’est pas démontrée, ce qui nécessiterait un travail important, il s’agit bien ici d’en rester au niveau de la remarque et d’envisager ses conséquences. Le Campaniforme pourrait ainsi être interprété en terme d’explorations, de mise en place de relais sur des routes d’échanges ou d’approvisionnement et – pourquoi pas ? – de colonisation. C’est bien ce qui pourrait ressortir du schéma spatio-temporel du sud-est. On assisterait alors à la mise en place de « comptoirs » au contact direct des populations indigènes et la diffusion vers l’intérieur des terres de produits considérés comme « luxueux » ou simplement exotiques par les populations locales, les thésaurisant et les intégrant à leur mobilier funéraire. Cette diffusion pourrait être liée – à la fois comme cause et conséquence, dans une région et à une époque où l’ostentation et le prestige semblent très recherchés – à des phénomènes d’imitation idéologique et/ou symbolique. Dans un second temps, le développement d’une culture régionale campaniforme pourrait correspondre à un phénomène d’acculturation en masse, à l’implantation de populations plus importantes et à un métissage culturel qui semble bien ne pas s’être produit au même moment et de la même façon dans tous les secteurs de la région considérée. L’examen des données du sud-est de la France et les interprétations qui peuvent en être proposées conduisent à envisager quelques réflexions, dont la portée plus générale, nous semblait, au départ, interdite par l’approche régionale. Parmi les questions qui sous-tendent tous les travaux sur le Campaniforme, celle de la fonction des céramiques campaniformes et de la raison de leur diffusion a sans doute fait l’objet du plus de propositions et de débats. Particulièrement pour le Campaniforme, l’importance consacrée de la céramique est, sans doute, trop mise en avant ; parce que nous la considérons comme très sensible aux évolutions culturelles. Il s’agit d’ailleurs d’une consécration toute archéologique et le spécialiste ne peut être que surpris lorsque le profane écrit un roman (fondé sur les plus récentes publications scientifiques) narrant la « légende » de Stonehenge, situé en 2000 avant notre ère, et ne mentionne que deux fois, en plus de 450 pages, la présence de céramique décorée. L’ampleur, la forme et la rapidité des changements culturels sont fonction de nombreux paramètres parmi lesquels les plus importants sont, sans doute, les cultures elles-mêmes mais aussi la nature des contacts qui ont présidé au remplacement de l’une ou à leur métissage. Pour le Campaniforme, les indices de brusques changements culturels et, dans certains cas, de probables déplacements de populations sont de plus en plus évidents, dans diverses région d’Europe. Les indices indirects sont particulièrement nombreux. La transformation rapide de certains monuments funéraires, comme pour le dolmen des Peirières à Villedubert dans l’Aude, selon les observations de H. Duday ou pour la nécropole du Petit Chasseur à Sion, en Suisse, selon les observations d’A. Gallay, n’en sont que les exemples les plus spectaculaires. Parallèlement, si les études biométriques en anthropologie n’ont pas permis jusqu’à présent de reconnaître la réelle liaison entre le campaniforme et un type humain spécifique – comme les célèbres brachycrânes planoccipitaux - , d’autres types d’étude pourraient néanmoins indiquer ces déplacements. Les analyses isotopiques menées de part et d’autre du Danube ou les récentes approches des caractères discrets en anthropologie montrent la probabilité de ces déplacements de personnes ou de populations. L’ampleur de ces déplacements, en distance comme en nombre de personnes concernées, est inconnue et il demeure difficile de prouver de réelles migrations. La nature des contacts entre ces groupes campaniformes et les groupes indigènes est aussi difficile à préciser, mais plusieurs indices sont présents dans le sud-est. Si les implantations du Campaniforme pointillé géométrique sont bien d’origine directement extérieure à la région, il faut rappeler en même temps l’existence d’objets et de techniques indiquant la présence d’indigènes sur le même site et même un certain « métissage stylistique » déjà présent pour certains objets. Parallèlement, cette implantation reste cantonnée aux abords de la vallée du Rhône et de la côte méditerranéenne et les approvisionnements en matières premières se sont très nettement recentrés sur un territoire local. Ces données traduisent-elles une difficulté à s’implanter, des contacts délicats avec certains indigènes belliqueux ? Nous ne disposons d’aucune source fiable pour envisager cette question. Les affrontements seront toujours difficiles à mettre en évidence mais n’ont pu qu’exister. Dans le sud-est de la France, l’apogée du groupe de Fontbouisse, qui semble influencer directement les régions voisines, est une période de rayonnement culturel. Elle se marque par une forte densité d’occupations dans le Gard, avec de grands sites de plaine présentant des fossés, le développement d’une architecture en pierre dans la zone des garrigues, en même temps qu’une expansion vers d’autres régions. L’origine du Campaniforme qui gagne ce sud-est, dans la péninsule ibérique, ne serait-elle pas liée à un même phénomène d’expansion à partir d’une région comme l’Estremadura portugaise. Dans cette région, une certaine pression est sensible (démographique, sociale et idéologique ?) avec la construction au Néolithique final de sites ceinturés – comme dans d’autres régions de la Péninsule – nombreux et dont le caractère fortifié ne doit pas faire de doute. Les multiples routes suivies par le Campaniforme pointillé géométrique et international, vers le nord le long de la côte atlantique et vers la Méditerranée indiquent sans doute un phénomène d’expansion à la recherche de zones d’approvisionnement ou même de peuplement. Les approches à grande échelle et la prééminence de la céramique décorée sont elles réellement les bonnes pistes pour comprendre le Campaniforme ? Le croisement du plus grand nombre de données et la prise en compte des contextes de découverte permettent de mieux appréhender l’insertion du Campaniforme dans les diverses régions où il est diffusé et, en même temps, d’observer la nature et le degré des changements potentiels que la présence des vases décorés ne fait que signaler. Cette prise en compte de nombreuses données implique une approche régionale, afin de maîtriser le plus possible les contextes culturels et chronologiques locaux, ainsi que la masse de données elles-mêmes. La réalisation de synthèses régionales est en même temps nécessaire pour fonder les approches à plus grandes échelles qui pâtissent systématiquement de l’accès à l’information régionale ou locale. C’est avant tout cet outil que nous avons voulu réaliser pour le sud-est de la France. Enfin, la possibilité de trouver des modèles proches à la fois géographiquement et chronologiquement semble importante, et ces pistes devront être suivies dans le domaine de la longue durée et de l’ouverture vers nos collègues protohistoriens. Le problème de la genèse de la culture du Bronze ancien du sud-est de la France n’a pas été réellement abordé dans le cadre de ce travail car elle appelle des développements spécifiques qui seront réalisés dans d’autres cadres. Il est néanmoins possible, à partir des données campaniformes, de faire quelques remarques sur cette vaste problématique. Chronologiquement, tout d’abord, nous partageons les interrogations de M. Lichardus-Itten concernant la datation du début de l’âge du Bronze en France, en 2300 avant notre ère. Au-delà des aspects formels et méthodologiques concernant les échantillons datés et leur interprétation archéologique, cette datation n’est pas confirmée par les données du sud-est de la France. Culturellement, les composantes du Bronze ancien du bassin rhodanien sont encore en cours de reconnaissance et d’attribution. Après de très nombreuses hypothèses formulées, reprises et commentées pendant le dernier quart de siècle et encore très récemment, la question n’est pas réglée. Il semble, là encore, que l’approche globale, prenant en compte un espace important entre Europe centrale, domaine italique et périphérie rhodanienne du versant occidental des Alpes, ne puisse se fonder – et c’est également l’opinion émise par J. Vital – que sur de nouvelles approches régionales précises des données de terrain, largement renouvelées ces dernières années pour le bassin rhodanien. La mise en place des implantations du Campaniforme pointillé géométrique puis des cultures du Bronze ancien correspondent à des schémas différents et à des origines géographiques opposées. C’est cependant, très probablement, par l’expansion du Campaniforme de la Péninsule ibérique vers l’Europe centrale que se mettent en place des réseaux qui diffusent, en sens contraire, des objets et des influences par la haute vallée du Rhône et le Midi de la France, dès la période du Campaniforme rhodano-provençal. Le Campaniforme inaugure ainsi les routes de la mise en place du Bronze ancien, comme il semble l’avoir fait en Italie. Gordon Childe appelait l'âge du Cuivre, celui des Barbares évolués. En fait, pour l’ensemble des données observées, la tradition néolithique est importante. Les modes de vie sont sans doute équivalents à travers une économie agro-pastorale et des activités artisanales ancestrales, que seul le développement de la métallurgie, d’ailleurs nettement antérieur au Campaniforme, vient compléter. Pourtant, au troisième millénaire, le nombre de sites connus, l’édification de « petits châteaux » et de grands monuments, ainsi que le développement de marqueurs identitaires variés traduisent probablement en même temps la réussite et la crise de ce monde néolithique. Une importante pression démographique entraînerait une exacerbation d’élites et de symboles. L’importance de la Méditerranée pour les régions méridionales de l’Europe, encore très sensible pour la première diffusion du Campaniforme, va être remise en cause par l’expansion de cultures centre-européennes, pour un temps. L’aube de la Protohistoire est, en ce sens, déjà là. Il ne s’agit pas, pour conclure, d’entrer dans un débat philosophique sur le sens de l’Histoire, mais de s’interroger sur l’efficience de nos découpages chronologiques et disciplinaires. Une évolution des sociétés, en Europe, est bien perceptible depuis la mise en place de l’économie néolithique jusqu’à l’apparition des systèmes politiques, économiques et sociaux complexes qui imprègnent ces régions à partir de la Protohistoire. Si cette évolution n’est pas linéaire, avec des décalages et de nombreux transferts d’une région à l’autre, les recherches tendent à faire reculer dans le temps, tout ce que nous croyions apparu tardivement. J. Guilaine a ainsi longuement insisté sur la nature historique des phénomènes qui caractérisent le Néolithique. Après avoir longuement réfléchi à la place du groupe Barbelé (dans le Campaniforme ou dans l’âge du Bronze), et à la récurrence de ces « périodes intermédiaires » si nombreuses à la fin de la Préhistoire, nous ne pouvons que nous demander si les découpages chronologiques sont réellement pertinents et même s’ils ne sont pas un frein à nos analyses et à nos réflexions. En effet, si le début de l’âge du Bronze est si difficile à placer dans nos chronologies n’est ce pas, au moins pour le bronze ancien, parce que ce découpage – fondé sur l’observation d’un seul trait technique – n’a pas de sens ? Même sur ce plan technique la succession Chalcolithikum – Metallikum de C. Strahm n’intervient pas avant une phase avancée de ce Bronze ancien. Après les importantes propositions, issues des conclusions du colloque d’Ambérieu, concernant l’abandon du terme « Chalcolithique », et la nécessité de préciser les ensembles culturels du troisième millénaire et leur chronologie – ce que nous avons tenté de faire ici pour un petit ensemble géographique et chronoculturel – ne faut-il pas tenter d’aller encore plus loin ? N’est-il pas souhaitable de retrouver, entre Néolithique et âge du Bronze, le sens de l’Histoire ? Orientation bibliographique Généralités et dimension européenne du phénomène (ouvrages récents et classiques) Besse M., (2003) – L’Europe du 3e millénaire avant notre ère : Les céramiques communes au Campaniforme. Lausanne : Cahiers d’Archéologie Romande, 2003, 223 p. 1 CD. (Cahiers d’Archéologie Romande, 94). Collectif, 1997 – Rhône-Alpes A 404. L’énigmatique civilisation campaniforme, Archéologia, Hors-Série, n°9, Déc. 1997-Jan. 1998, 74 p. Collectif, 1998 – Place et rôle du Campaniforme dans le IIIe millénaire, actes de la séance SPF 1997, Musée des Antiquités Nationales, Bulletin de la Société Préhistorique Française, Tome 95, n°3, 1998, p. 301-414. Collectif, 2004 – Substrats et genèses du Campaniforme, actes de la séance SPF 2003, Collège de France, Bulletin de la Société Préhistorique Française, Tome 101, n°2, 2004, p. 197-252. CONVERTINI F. (1996) - Production et signification de la céramique campaniforme à la fin du 3ème millénaire av. 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(1997) – Le Campaniforme : phénomène et culture, in : L’énigmatique Civilisation Campaniforme, Dijon : Editions Faton, 1997, p. 6-13 (Archéologia H.S. 9). Sur le sud-est de la France COURTIN J. (1967b) – La culture du vase campaniforme en Provence, note préliminaire, Cahiers Ligures de Préhistoire et d’Archéologie, 16, 1967, p. 27-36. FURESTIER R. (2005) – Les industries lithiques campaniformes du sud-est de la France, Thèse de Doctorat de l’Université de Provence, sous la direction de M. D. Binder, Aix-en-Provence : Université de Provence / ESEP, 2005, 3 vol., 738 p. (dont 132 planches). LEMERCIER O. (1998) – Phénomène, culture et tradition : statuts et rôles du Campaniforme au IIIe millénaire dans le Sud-Est de la France, Bulletin de la Société Préhistorique Française, tome 95, n°3, 1998, p. 365-382. LEMERCIER O. (2004) – Les Campaniformes dans le sud-est de la France, Lattes : Publications de l’UMR 154 du CNRS / ADAL, 2004, 515 p. (Monographies d’Archéologie Méditerranéenne, n°18). 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