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Néolithique européen

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Cours 12 : La céramique au Néolithique

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Cours en ligne - Licence 3

 

Néolithique européen

Cours 12 : La céramique au Néolithique

 

Nous allons donc parler aujourd’hui de céramique. Certains d’entre vous ont déjà eu des cours sur le sujet mais pour d’autres périodes, et concernant je pense des aspects essentiellement technologiques et méthodologiques. Ce que j’appelle moi, de la cuisine, certes bien nécessaire pour en faire l’étude mais pas forcément nécessaire pour tout le monde.

En Licence, il ne s’agit naturellement que d’une initiation qui a pour but de vous montrer l’importance de ce matériau à la fois pour les préhistoriques et pour les préhistoriens.

Nous allons surtout ici envisager la céramique pour les Préhistoriques.
Puis autant que possible, je vous ferai tripoter quelques fragments de céramique qui datent du Néolithique, histoire que vous sachiez à quoi cela ressemble. Ceux qui poursuivront en archéologie quelque soit l’époque depuis le néolithique auront sans doute l’occasion d’en voir plus dès leur première année de Master, et d’envisager alors la céramique pour les Préhistoriens.

Nous allons donc remonter aux origines de la céramique et commencer par poser quelques définitions et quelques concepts du genre important.

Tout d’abord vous aurez remarqué, ou pas d’ailleurs, que j’utilise indifféremment les termes céramique et poterie, alors qu’en fait ils ne sont pas synonymes.
En effet, céramique désigne le matériau : donc la terre cuite.
Alors que poterie désigne spécifiquement le récipient en terre cuite.
Bon chez les archéologues on confond allègrement les deux termes et on se comprend quand même.

Ça, c’est pour le chapitre définition. Au chapitre Concepts, il faut que vous conceviez que la céramique est l’une des inventions les plus fondamentales de l’histoire de l’humanité.
Dit comme ça, évidemment, vous n’y croyez pas un instant : ça y est, le prof a pété les plombs…

Et bien non, c’est effectivement fondamental parce que la céramique est un matériau qui n’existe pas dans la nature.
Il s’agit d’un mélange de matière première : de l’argile, de l’eau, plus un dégraissant, mélange qui va être ensuite transformé par l’action de la chaleur pour créer un matériau nouveau.
Et il s’agit bien d’une innovation même si les hommes préhistoriques avaient sans doute déjà observé qu’on pouvait par exemple améliorer les qualités de taille de certains silex par chauffage.

Invention fondamentale aussi parce que c’est ce même principe, amélioré et complété de quelques autres qui va amener à la naissance de la métallurgie par exemple très rapidement finalement après la céramique. Principes originels qui permettront le développement de l’alchimie puis de la chimie et de la physique.

Alors que savons-nous des origines de la céramique ?

Tout d’abord, le modelage de l’argile est sans doute une activité très ancienne dans l’histoire de l’humanité.
Hélas, sans la cuisson de cette argile, les objets ou les œuvres réalisées finissent généralement par retourner à la boue.
Quelques très rares cas nous montrent cependant de réelles œuvres d’art en argile au Paléolithique supérieur, comme ici les très célèbres bisons de la grotte du Tuc-d’Audoubert attribuables au Magdalénien.
 
Les plus anciennes céramiques connues, donc des objets d’argile cuite cette fois, ne sont pas non plus des récipients mais des statuettes ou des figurines.

Les premières datent du Paléolithique supérieur mais ne concernent que de rares objets et l’intentionnalité même de la cuisson des objets a pu être discutée, comme ici au Gravettien entre 27000 et 20000 avant notre ère avec les figurines de Dolni Vestonice en Moravie.

Ces cuissons d’objets en argiles, même si elles sont intentionnelles, ce qui est probable dans certains cas, demeurent sans lendemain, car cette invention ne semble pas avoir d’utilité.

Comme je vous l’ai signalé en introduction au début de l’année, la poterie apparaît en réponse à un besoin spécifique.
En réalité il s’agit même de deux besoins spécifiques, tous deux liés à l’alimentation végétale, c'est-à-dire essentiellement la consommation de légumineuse et de céréales : La conservation des grains et la consommation de bouillies.
On met donc généralement en adéquation la poterie et le Néolithique.

Vous savez que cette équation n’est pas tout à fait juste étant donné que la consommation des produits végétaux est antérieure au Néolithique et de ce fait la céramique va être liée à l’intensification de cette consommation plutôt qu’au Néolithique lui-même.
A l’inverse, dans la plupart des foyers de néolithisation, il faudra attendre des siècles et parfois des millénaires comme au Proche Orient pour que la céramique vienne compléter la définition du Néolithique bien après l’apparition de l’élevage et de l’agriculture.

La céramique présente plusieurs attraits :

  1. Elle permet la réalisation de récipients imperméables
  2. Elle peut "aller au feu"

Elle permet donc la cuisson d'aliments liquides (comme les bouillies de céréale ce qui la lie aux activités de cueillette puis d'agriculture et le lait ce qui la lie à l'élevage mais aussi les soupes et bouillons) ainsi que les cuissons longues de toutes sortes d'aliments.

Les premières poteries de la planète apparaissent donc bien dans un contexte de chasseurs-pêcheurs-collecteurs, nous l’avons vu, au Japon dans la culture appelée proto-Jomon.
A partir de 10000 avant notre ère.
La céramique est présente dès les premières phases de cette culture et atteint un niveau impressionnant de technicité et d’esthétique dès avant la phase moyenne qui correspond à la Néolithisation des îles japonaises à partir du continent.

Un autre foyer très primitif d’apparition de la poterie est sans doute l’Afrique, dans l’ensemble saharo-soudanais, où certains sites de l’Aïr et du Hoggar livrent des poteries dans des contextes très anciens, sans doute du IXe millénaire - peut-être dès le Xe millénaire.
Mais comme je vous l’ai déjà dit lors de notre premier cours, nous n’en savons encore pas grand-chose.

Je vous rappelle rapidement les autres foyers d’apparition de la céramique dans le monde :

La chine, l’Amérique du sud et la Mésoamérique et le Proche Orient.

En Chine, la céramique apparaît dans plusieurs régions, et dans des cultures déjà néolithiques entre 6000 et 5000 avant notre ère.

En Amérique, on connaît aussi plusieurs foyers.

En Amérique du sud, les foyers les plus anciens sont probablement amazoniens et datent d’environ 5000 avant notre ère, alors que des foyers plus tardifs, dont l’autonomie est encore discutée, apparaissent sur la côte caraïbe de la Colombie et la côte sud de l’Equateur entre 3500 et 3200 avant notre ère.

En Mésoamérique, au Mexique actuel, la céramique n’apparaît là encore que comme un élément tardif de la Néolithisation vers 3000 avant notre ère.

Enfin, au Proche Orient, La céramique se développe à partir de 7000-6900 avant dans plusieurs secteurs distincts.

Au Proche Orient, le développement de la vaisselle en terre cuite se fait après celui de la vaisselle de pierre et de la vaisselle blanche (plâtre, chaux) et après des réalisations en argiles cuites comme les figurines.
Ou encore l’emploi massif de l’argile comme matériau de construction avec les murs massifs mais aussi les briques crues.

Evidemment, le processus qui a conduit au développement de la céramique, dans le détail, nous est inconnu.

Il répond à un besoin, je vous l’ai dit, ce qui explique sans doute son apparition multiple, si on exclue les interprétations divines ou extraterrestres.

Alors, je ne sais plus si j’ai évoqué la question en début d’année. L’une des particularités de la poterie, c’est qu’elle n’a en terme de forme et de décor, d’aspect et de volume que les limites de l’imagination du potier.

On peut faire à peu près n’importe quoi en terre cuite… Mais…
Mais on ne le fait pas ! Et s’il y a bien un élément de la culture matérielle qui est très lié à l’identité des groupes c’est la poterie.

Vous avez pu voir à travers les cours à quel point chaque groupe réalise une céramique différente avec ses traditions morphologiques et décoratives, alors que concernant les industries en silex ou en os, cette marque identitaire est tout de même moins évidente. Attention, elle existe tout de même au moins pour certains éléments, certaines cultures et à certains moments.

La céramique néolithique est donc porteuse d’une identité culturelle et il semble bien que les potiers ne fabriquaient pas n’importe quoi : ils respectaient les traditions propres à leur groupe et à leur époque.

C’est sans doute un peu triste ce manque de liberté, forcé ou non, ou d’originalité mais en tout cas, vous l’avez bien compris, c’est très pratique pour les archéologues.

Précisons tout de suite que l'histoire de la céramique au Néolithique n'est pas linéaire et qu'il n'est pas possible d'observer une quelconque évolution vers la complexité ou de réels progrès, dans les domaines morphologiques, décoratifs ni même technique.
Ainsi, les céramiques les plus anciennes ne sont pas nécessairement les plus simples ou les moins bien réalisées, comme vous avez pu le voir à travers tous les cours précédents.

La conception de la céramique

Comme je l'ai déjà signalé tout à l'heure, vous devez garder à l'esprit que l'argile permet presque n'importe quelle fantaisie en matière de création d'objets ou de récipients.
Ce fait n'est pas anodin si on considère :

  1. L'existence de styles céramiques très marqués avec parfois des productions très standardisés dans des régions très éloignées.
  2. L'existence d'une tradition technique, elle aussi très forte, pour l'emploi de certains outils ou de certains matériaux.

Ainsi, même si nous avons de nombreux exemples de productions céramiques domestiques, au sens où elles correspondent à la maisonnée où elles sont produites et utilisées, la céramique semble plus refléter la société que l'individu.
Nous verrons ça à travers un panorama de cultures céramiques tout à l'heure.

Les matières premières : fonction et acquisition

Les matières premières nécessaires à la fabrication de la céramique sont au nombre de deux au minimum. Il s'agit de l'argile et de l'eau.
Selon le type de terre utilisée, et c'est le cas le plus courant, l'ajout d'une matière supplémentaire appelée dégraissant peut s'avérer nécessaire.
Les moyens techniques sont tout aussi simples, puisque très peu d'outils sont nécessaires aussi bien pour le montage de la céramique que pour la réalisation de fours.

La terre

La terre employée pour la réalisation de céramique doit être une argile ou une roche argileuse. Il en existe de très nombreuses variétés, il peut s'agir d'argile d'origine fluviatile, d'argile de grotte…

Ces argiles sont généralement récoltées à proximité des habitats préhistoriques où à des distances proches de l'ordre de 2 à 3 jours de marche, ce qui correspond à des territoires d'approvisionnement domestiques.
On connaît des sites d'extraction d'argile de grotte comme pour celle de Foissac en Aveyron où on peut observer de réelles carrières d'argile ou des poches ont été entièrement vidées, au Néolithique final.
On connaît aussi des extractions en puits comme sur le site de Giribaldi à Nice pour le Néolithique moyen.

C'est la nature de la terre employée qui donne sa couleur à la pâte de la céramique : rouge pour une argile ferrugineuse, beige pour une argile carbonatée. La couleur extérieure de la céramique est ensuite modifiée par la cuisson.
La structure phylliteuse de l'argile lui donne sa double propriété de malléabilité et de cohérence.
Si la terre est franche, c'est-à-dire si elle contient une fraction grossière, elle est dégraissée naturellement, si elle est trop "grasse" elle colle aux mains et empêche tout façonnage et nécessite l'ajout de dégraissant.

Le dégraissant

La présence d'un dégraissant dans la terre réduit légèrement sa plasticité mais, en introduisant une hétérogénéité à la structure, permet de réduire les risques de fissure et de casse lors du séchage et de la cuisson.

Lors du séchage, se produit en effet, ce qu'on appelle un retrait qui est la contraction de la matière due dessiccation, c'est à dire à l'évaporation de l'eau incorporée lors du façonnage.
Un autre retrait se produit lors de la cuisson par la disparition de l'eau dite de constitution, celle qui est contenue dans la terre à l'origine.

Le dégraissant ajouté par l'homme peut être de diverses natures :
Il s'agit souvent d'une matière minérale : calcite, carbonate, sable.
Il peut aussi s'agir, plus rarement de coquille, d'os, de végétaux et même de céramique broyée que l'on appelle la chamotte.
Différents dégraissants peuvent être employés ensemble.
Ce qui est surtout remarquable, concernant le dégraissant, c'est que son choix est, dans certains cas, strictement culturel par exemple pour l'emploi de l'os ou encore celui de la chamotte qui est très utilisée, dans le Midi de la France au Néolithique ancien et à l'extrême fin du Néolithique avec le Campaniforme.

L'eau

Le dernier composant nécessaire à al fabrication de la céramique est l'eau, même si celle-ci disparaît lors du séchage et de la cuisson. C'est elle qui permet de façonner la matière.

La fabrication

La fabrication de la céramique comprend un certain nombre d'étapes que nous allons résumer. Leur nombre dépend du soin apporté à la réalisation et du type d'objet voulu. Au minimum, il s'agit de préparer la pâte, de façonner l'objet, de le faire sécher, de le cuire et de réaliser des finitions qui peuvent se placer avant ou après le séchage et après la cuisson ou même les trois.
 
La préparation de la pâte

La préparation de la pâte peut être très soignée ou pas du tout.
Elle consiste au minimum, si l'argile utilisée est une terre franche à y ajouter de l'eau et à la malaxer.
Le dégraissant, selon le cas, doit être broyé pour être incorporé à la pâte. Les particules de dégraissant peuvent être calibrées pour éliminer les fragments trop grossiers.
Dans certains cas, le traitement de la terre fait l'objet d'un grand soin avec décantation, tamisage et malaxage. La pâte est pétrie et parfois battue.

Le montage des récipients

Il existe pour le montage des récipients plusieurs techniques connues au Néolithique

  • Le montage à la motte qui consiste à creuser et à étirer une boule d'argile est le plus simple mais non le plus fréquent. Il n'est généralement utilisé que pour la fabrication de récipients petits et peu soignés.
  • Le montage à la plaque consiste comme son nom l'indique à réaliser des plaques d'argile mises en formes pour le fond, la panse et le col et assemblées ensuite.
  • Le façonnage sur une forme, par martelage, battage ou moulage est une technique bien connue en Afrique par exemple.
  • Le montage au colombin est sans doute le plus fréquent, au moins en Europe occidentale. Il s'agit de réaliser des boudins d'argile qui sont superposés ou enroulés en spirale par ajouts successifs. Cette technique peut s'observer parfois dans les cassures des vases.

 

La technique du tournage, c'est à dire l'emploi d'un tour apparaît dès la fin de la Préhistoire au Moyen-Orient. En France on ne la voit débuter qu'à l'âge du Fer.

Premières finitions et séchage

L'étape suivante est celle de l'ajout d'éléments de préhensions ou de décors et certaines formes de traitement des surfaces et de décoration.

Le bord du vase et la lèvre sont mis en forme et éventuellement aménagés (avec un bec verseur par exemple)

Les éléments ajoutés peuvent être de nature très variée.

  1. Des cordons ou des barrettes de pâte qui peuvent être collés ou étirés.
  2. Des mamelons et boutons (ou pastilles pour les plus petits) peuvent être collés ou attachés au moyen d'un tenon, ou encore pour les petits repoussés depuis l'intérieur du récipient.
  3. Des oreilles, languettes et prises plates.
  4. Des moyens de suspension (mamelon perforés horizontalement ou verticalement, cordons et bandeaux multiforés)
  5. Des anses de formes diverses : en boudin, en ruban.

Tous ces éléments plastiques de préhensions peuvent avoir une vocation décorative.

Le traitement de la surface est réalisé à ce moment : il peut aussi être absent. Généralement, la surface peut être grattée (elle est alors rugueuse) ou le plus souvent lissée alors que la pâte est encore humide ce qui donne une surface mate. La surface peut aussi être engobée c'est à dire recouverte d'une argile fluide, par trempage ce que l'on appelle la barbotine.

La plupart des décors sont réalisés à ce moment. Outre les décors plastiques déjà mentionnés :
- L'impression
- L'incision
- La cannelure
- L'excision
- L'incrustation

Si les techniques sont peu nombreuses, les outils et les gestes peuvent être très variés. Pour n'en citer que quelques uns : la coquille, le peigne, le peigne fileté, la forme pour l'estampage et les outils coupants pour les incisions. 

Le séchage est une étape importante avant la cuisson. Sa durée est très variable en fonction des terres, de l'eau ajoutée, des conditions climatiques…

Certains traitements de surface sont réalisés après séchage (polissage)
Certains décors aussi (gravure et peinture)

La cuisson

On connaît finalement peu de choses des cuissons de céramiques au Néolithique. L'essentiel des observations proviennent de l'ethnologie et de l'expérimentation.

Aucun réel four, c'est à dire un système où les récipients sont isolés du combustible n'est connu pour le Néolithique en Europe occidentale bien que quelques rares structures sont interprétées dans ce sens. Le four ne semble apparaître pour nos régions qu'à l'âge du Bronze.

Ici le four de Sévrier, dans les Alpes, qui date du Bronze final.

Par l'expérimentation et l'analyse des objets, on sait que la cuisson de la céramique nécessite une température de 450 à 500° au minimum pour déshydrater l'argile et que les températures atteintes par les cuissons néolithiques étaient de l'ordre de 600 à 800°.

Les cuissons néolithiques devaient généralement être réalisées soit en feu libre et foyer ouvert, soit plus généralement en meule, chapée ou non.
Si les vases sont au contact de l'air, la cuisson est dite oxydante et les surfaces sont rouges ou orangées, si les vases sont protégés de l'air, en fosse ou sous une meule chapée, la cuisson est dite réductrice et les surfaces seront grises à noires.

Attention à ce sujet, de nombreux vases néolithiques ou plus récents étaient destinés à aller au feu et la couleur de leur surface a pu être modifiée parfois assez profondément.

La durée de la cuisson est très variable et doit atteindre plusieurs heures pour des feux ouverts. Les structures intermédiaires avec un foyer situé sous les pots et une meule importante ou chapée sont plus rapides avec des cuissons de 30 minutes à deux heures.

L'existence de la meule chapée, c'est à dire couverte d'un matériaux non combustible, au Néolithique n'est pas avérée, car elle atteint des températures pouvant être supérieure à 1000° qui ne sont pas observées sur le mobilier.

Pendant la cuisson en meule ouverte, l'ennemi est le vent qui provoque de brusques changements de température dans le foyer et la casse de pots.
Les observations ethnologiques indiquent que généralement, dans les régions venteuses, les cuissons sont démarrées au moment où le vent tombe, à la fin de la journée.

La fin de la cuisson et l'extraction des céramiques est un moment délicat où de trop fortes variations thermiques peuvent provoquer de la casse.
 
Finitions

Après la cuisson de la céramique, celle-ci peut encore faire l'objet de traitement.
Il s'agit de certains décors gravés à cuit et du polissage des surfaces avec un objet dur.

Usage et vie de la céramique

Typologie/technologie et fonctions de la céramique

La question de la fonction de la céramique est tout aussi complexe que celle de la fonction des outillages.
Au départ, tous les objets en céramique ne sont pas des récipients. Il y a :

  1. des figurines, statuettes animales et humaines et miniatures diverses, et je ne me lancerai pas ici dans leur interprétation.
  2. Des objets très divers : des fusaïoles, des pesons, des tuyères pour la métallurgie (éléments permettant de conduire l'air entre le soufflet et le creuset lors de la fusion du métal) et nombre d'autres.

La très grande majorité des objets en céramique sont cependant des récipients.
Les formes très variées des récipients en céramiques ont conduit les archéologues à en dresser des typologies elles aussi très nombreuses et dont nous verrons le fonctionnement et quelques exemples la semaine prochaine.
Ces typologies, comme pour l'industrie lithique, ont souvent utilisé des termes relatifs à la fonction supposées des récipients et il faut bien avouer que, comme c'est le cas pour l'industrie lithique, ces appellations sont souvent trompeuses.
S'il est relativement facile de supposer que certains petits vases appelés gobelets servent à boire et que certaines grandes jarres sont destinées à du stockage, entre les deux, c'est beaucoup plus difficile.

En fait, toutes les fonctions connues actuellement pour des récipients sont sans doute représentées :

  1. la vaisselle de consommation : avec des gobelets, des assiettes, des bols et des écuelles…
  2. la vaisselle de préparation ou de cuisson : jattes, bassines, marmites de diverses formes…
  3. la vaisselle de stockage et de conservation : jarres de tailles diverses, vases silos de très grande contenance.

Il existe aussi des gammes de récipients dont il est plus difficile de préciser l'usage comme :

  1. les vases supports qui servent sans doute comme leur nom l'indique à poser quelque chose dessus.
  2. Les coupes polypodes assez répandues à la fin du Néolithique dans nos régions mais dont l'usage demeure inconnu. Les objets actuels de ce type sont nombreux et toujours d'un usage "non domestique" : brûle parfum ou brûle encens la plupart du temps, et dans un cas africain elles servent à faire tiédir des huiles utilisées dans certaines cérémonies.

Il existe aussi probablement des productions destinées à un usage très spécifique, comme certaines séries de vases miniatures "des taraillettes comme on dit dans la région" qu'on peut trouver dans des contextes funéraires.
Une partie de la série de l'hypogée de Roaix dans le Vaucluse est probablement de ce type avec des vases très petits reproduisant des formes plus grandes connues sur les sites d'habitat.

Il n'est pas actuellement possible, pour le Néolithique occidental du moins d'observer des technologies particulières liées à un usage de la céramique.
C'est à dire qu'il n'y a pas d'emploi de terres sélectionnées pour des récipients devant aller sur le foyer par exemple.

La recherche du contenu des récipients n'en est encore qu'à ses balbutiements. Il n'est pas rare d'observer des résidus charbonneux ou des caramels alimentaires sur les faces internes de certains récipients en céramique, mais les analyses de ces résidus demeurent rares et complexes.

Leur développement permettra peut-être de mieux connaître les pratiques alimentaires néolithiques et aussi de préciser les relations entre la typologie des récipients et leur usage.

Diffusions et échanges / Fabrication et consommation

On va maintenant envisager rapidement les relations entre fabrication et consommation de la céramique et par là les questions de diffusion et d'échanges des objets en terre cuite.

Pour le Néolithique, nous connaissons essentiellement, je l'ai déjà dit, des productions de céramique que l'on qualifie de domestiques ou d'artisanales mais au sens local du mot c'est à dire que les céramiques sont produites soit au sein et pour la maisonnée, soit au moins sur le site même où elles vont être utilisées.
Cela nous le savons par l'analyse des matériaux argileux qui proviennent le plus souvent des environs même du site ou de territoires non éloignés.
Ainsi, l'existence de productions spécialisées destinées aux échanges, à un commerce entre guillemets n'est pas réellement avérée pour ces périodes dans nos régions.

Il est pourtant relativement fréquent de trouver sur un site, au sein d'un assemblage céramique homogène, un ou quelques vases qui diffèrent par leurs matériaux, leurs techniques de fabrication ou leur style.

En fait, de nombreux cas de figures sont possibles :

  1. Des fabrications non standard sont toujours présentes au sein des séries. Elles peuvent résulter de la liberté "la marge de manœuvre" du potier, d'une fabrication occasionnelle ou d'un apprentissage.
  2. Les échanges de vases, ou du moins la présence de vases sur un site où ils n'ont pas été fabriqué est avérée pour le Néolithique. Ainsi des vases appartenant à une autre culture ou un autre faciès géographiques et réalisés selon des techniques ou avec des matériaux étrangers au site peuvent être trouvés. Ils témoignent d'une certaine diffusion de la céramique et probablement d'échanges dont nous ne connaissons pas la contrepartie.
  3. Des déplacements de personnes sont aussi démontrés par l'examen de la céramique. Lorsqu'une série ne présente pas un seul vase différent mais un ensemble et surtout lorsque une technique d'origine extérieure au site est employée pour la fabrication de céramiques propres au site considéré.

(exemple de la chamotte dans le campaniforme et le Rhône-Ouvèze.)
Ceci montre qu'il n'y a pas que les objets manufacturés qui se déplacent mais aussi des idées et des techniques et dons des personnes.

L'une des interprétations les plus courantes, depuis le développement de l'ethnoarchéologie, pour la transformation des traditions céramiques est celle de l'exogamie. En effet, à l'heure actuelle, dans la plupart des régions du monde, la céramique fabriquée dans des contextes dits traditionnels est l'œuvre des femmes et les traditions céramiques peuvent se diffuser par les déplacements des personnes lors des mariages exogames entre villages.
En fait, l'ethnoarchéologie a surtout bien montré la multiplicité des possibilités actuellement observable sur la terre et l'extrême difficulté à plaquer des modèles actuels sur les sociétés préhistoriques.
 
Rejet et taphonomie des céramiques

Durée de vie des céramiques

La question de la durée de vie des céramiques est difficile.
Premier élément, la céramique, ça se casse très facilement. Et ce n'est pas très compliqué à fabriquer.
Second élément, les styles céramiques semblent évoluer très rapidement à chaque fois qu'il est possible de les observer un peu finement. Mais les questions de durée réelle de ces styles comme des occupations des sites nous demeurent inaccessibles.
Il est tout de même très probable que la durée de vie d'un récipient en céramique soit très courte, ce que traduisent sans doute les quantités parfois invraisemblables de fragments mis au jour sur certains sites.
Il ne faut cependant pas oublier que certains vases ont pu être conservés longtemps (pensez au vase de la grand mère qui trône sur la cheminée… c'est une image bien-sûr).
Par ailleurs, certaines observations ethnologiques ont montré la durée de vie particulière de certains vases de stockage de très grande capacité et non destinés à être déplacés. Il existe des cas où de tels vases rangés derrière une maison sont là depuis 70 à 80 ans, alors même que les habitants de la maison ont changé et n'appartiennent même pas à la même culture que les premiers possesseurs des fameux vases.

Malgré les observations qui montrent la courte durée de vie de la céramique, il est vraisemblable qu'au Néolithique déjà, certains vases ont une valeur particulière, ou bien est-ce que qu'on a mis dedans, puisque des céramiques font partie du mobilier funéraire dans de nombreuses cultures. Dans certains cas, comme pour le Campaniforme, la céramique elle même pourrait avoir une certaine valeur.
D'une manière générale, on semble tenir quand même à des récipients en céramiques puisque on peut observer des vases réparer, qui présentent des "trous de réparation" de part et d'autre d'une fissure. Cette tradition de réparer les céramiques est connue aussi pendant l'antiquité et jusqu'à nos jours, enfin jusqu'à la civilisation du jetable et les "raccommodeurs de faïences" passaient encore dans les villages de Provence il y a quelques décennies.  

Les usages des céramiques rejetées

Les céramiques sont parfois déposées dans des tombes, et dans quelques cas sont abandonnées entières dans des fosses, des silos ou dans des habitats abandonnés, incendiés… Mais dans la plupart des cas elles sont rejetées parce que cassées ou passées de mode et finissent en petits morceaux que l'on appelle tessons et qui font la joie des archéologues.

Les tessons ne sont cependant pas toujours la forme ultime de la céramique puisqu'ils peuvent encore être réutilisés généralement en raison de leur morphologie c'est à dire des objets plats.
On en trouve ainsi assez fréquemment qui ont servi de soles ou de sols ou de dallages.
Certains tessons sont parfois percés pour servir de fusaïoles, de poids ou de pesons. D'autres présentent des résidus de minerais et ont servi  de creuset.

Enfin, rappelons que la céramique est aussi réutilisée sous la forme de chamotte pour la fabrication de nouvelles céramiques.

La conservation de la céramique

Deux mots pour finir ce chapitre, sur les questions de conservation.

La céramique, dit-on se conserve généralement très bien après son enfouissement.
Mais ce n'est que rarement vrai.

Il existe des cas de sol suffisamment acides pour que la céramique disparaisse totalement, dans certains contextes granitiques où l'os disparaît aussi, qu'il soit humain ou animal et où la Préhistoire ne peut plus être étudiée qu'à partir des cailloux. Mais c'est un peu extrême !

Les principales altérations de la céramique sont :

avant tout la fragmentation parfois extrême.

Des altérations chimiques peuvent affecter la surface de la céramique ou le plus souvent faire disparaître toutes les particules de dégraissant : la céramique présente alors de nombreux petits trous qu'on appelle des vacuoles.

Des altérations atmosphériques, lorsque les fragments ont séjourné longtemps à l'air libre.

Des altérations mécaniques essentiellement de roulement et de frottement contre d'autres éléments céramiques ou des pierres dans les éboulis.

Des dépôts d'origines diverses (le plus souvent carbonatation dans les sols ou, dans les grottes, des dépôts de calcite) peuvent aussi oblitérer la surface des fragments, empêchant d'observer d'éventuels décors et interdisant le recollage de plusieurs fragments avant traitement spécifique.

Nous sommes donc arrivés, jusqu’au moment où le site enfoui va être découvert et fouillé par les archéologues. La suite c’est l’étude de la céramique que je ne vous exposerai donc pas ici.

Quelques références bibliographiques

Collectif (1994) – Terre cuite et société. La céramique, document technique, économique, culturel, Actes des XIVe Rencontres d’Archéologie et d’Histoire d’Antibes, Juan-les-Pins : Editions APDCA, 1994, 497 p.

D’ANNA A., DESBAT A., GARCIA D., SCHMITT A., VERHAEGHE F. (2003) – La céramique. La poterie du Néolithique aux temps modernes. Paris : Editions Errance, 2003, 286 p. (Collection « Archéologiques »)

GIBSON A., WOODS A. (1990) – Prehistoric Pottery for the archaeologist, Londres / Washington : Leicester University Press, 1990, 302 p.

SERONIE-VIVIEN M.-R. (1975) – Introduction à l’étude des poteries préhistoriques, Le Bouscat : SCERSPB, 1975, 103 p.

Sur le web :
ROSEN J. (Ed.) (2005) – Bilan critique des approches céramologiques du Néolithique à l’époque moderne, actes de la journée-débat, Dijon, juin 2005, Dijon : UMR 5594 ACS, 2005, 129 p.
http://www.u-bourgogne.fr/LIS202/Bilan%20c%8Eramique.pdf

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