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UB- Préhistoire Le site de Préhistoire de l'Université de Bourgogne Cours en ligne Licence 3 - Néolithique européen |
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Néolithique européen Cours 12 : La céramique au Néolithique
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Nous allons donc parler aujourd’hui de céramique. Certains d’entre vous ont déjà eu des cours sur le sujet mais pour d’autres périodes, et concernant je pense des aspects essentiellement technologiques et méthodologiques. Ce que j’appelle moi, de la cuisine, certes bien nécessaire pour en faire l’étude mais pas forcément nécessaire pour tout le monde. En Licence, il ne s’agit naturellement que d’une initiation qui a pour but de vous montrer l’importance de ce matériau à la fois pour les préhistoriques et pour les préhistoriens. Nous allons surtout ici envisager la céramique pour les Préhistoriques. Nous allons donc remonter aux origines de la céramique et commencer par poser quelques définitions et quelques concepts du genre important. Tout d’abord vous aurez remarqué, ou pas d’ailleurs, que j’utilise indifféremment les termes céramique et poterie, alors qu’en fait ils ne sont pas synonymes. Ça, c’est pour le chapitre définition. Au chapitre Concepts, il faut que vous conceviez que la céramique est l’une des inventions les plus fondamentales de l’histoire de l’humanité. Et bien non, c’est effectivement fondamental parce que la céramique est un matériau qui n’existe pas dans la nature. Invention fondamentale aussi parce que c’est ce même principe, amélioré et complété de quelques autres qui va amener à la naissance de la métallurgie par exemple très rapidement finalement après la céramique. Principes originels qui permettront le développement de l’alchimie puis de la chimie et de la physique. Alors que savons-nous des origines de la céramique ? Tout d’abord, le modelage de l’argile est sans doute une activité très ancienne dans l’histoire de l’humanité. Les premières datent du Paléolithique supérieur mais ne concernent que de rares objets et l’intentionnalité même de la cuisson des objets a pu être discutée, comme ici au Gravettien entre 27000 et 20000 avant notre ère avec les figurines de Dolni Vestonice en Moravie. Ces cuissons d’objets en argiles, même si elles sont intentionnelles, ce qui est probable dans certains cas, demeurent sans lendemain, car cette invention ne semble pas avoir d’utilité. Comme je vous l’ai signalé en introduction au début de l’année, la poterie apparaît en réponse à un besoin spécifique. Vous savez que cette équation n’est pas tout à fait juste étant donné que la consommation des produits végétaux est antérieure au Néolithique et de ce fait la céramique va être liée à l’intensification de cette consommation plutôt qu’au Néolithique lui-même. La céramique présente plusieurs attraits :
Elle permet donc la cuisson d'aliments liquides (comme les bouillies de céréale ce qui la lie aux activités de cueillette puis d'agriculture et le lait ce qui la lie à l'élevage mais aussi les soupes et bouillons) ainsi que les cuissons longues de toutes sortes d'aliments. Les premières poteries de la planète apparaissent donc bien dans un contexte de chasseurs-pêcheurs-collecteurs, nous l’avons vu, au Japon dans la culture appelée proto-Jomon. Un autre foyer très primitif d’apparition de la poterie est sans doute l’Afrique, dans l’ensemble saharo-soudanais, où certains sites de l’Aïr et du Hoggar livrent des poteries dans des contextes très anciens, sans doute du IXe millénaire - peut-être dès le Xe millénaire. Je vous rappelle rapidement les autres foyers d’apparition de la céramique dans le monde : La chine, l’Amérique du sud et la Mésoamérique et le Proche Orient. En Chine, la céramique apparaît dans plusieurs régions, et dans des cultures déjà néolithiques entre 6000 et 5000 avant notre ère. En Amérique, on connaît aussi plusieurs foyers. En Amérique du sud, les foyers les plus anciens sont probablement amazoniens et datent d’environ 5000 avant notre ère, alors que des foyers plus tardifs, dont l’autonomie est encore discutée, apparaissent sur la côte caraïbe de la Colombie et la côte sud de l’Equateur entre 3500 et 3200 avant notre ère. En Mésoamérique, au Mexique actuel, la céramique n’apparaît là encore que comme un élément tardif de la Néolithisation vers 3000 avant notre ère. Enfin, au Proche Orient, La céramique se développe à partir de 7000-6900 avant dans plusieurs secteurs distincts. Au Proche Orient, le développement de la vaisselle en terre cuite se fait après celui de la vaisselle de pierre et de la vaisselle blanche (plâtre, chaux) et après des réalisations en argiles cuites comme les figurines. Evidemment, le processus qui a conduit au développement de la céramique, dans le détail, nous est inconnu. Il répond à un besoin, je vous l’ai dit, ce qui explique sans doute son apparition multiple, si on exclue les interprétations divines ou extraterrestres. Alors, je ne sais plus si j’ai évoqué la question en début d’année. L’une des particularités de la poterie, c’est qu’elle n’a en terme de forme et de décor, d’aspect et de volume que les limites de l’imagination du potier. On peut faire à peu près n’importe quoi en terre cuite… Mais… Vous avez pu voir à travers les cours à quel point chaque groupe réalise une céramique différente avec ses traditions morphologiques et décoratives, alors que concernant les industries en silex ou en os, cette marque identitaire est tout de même moins évidente. Attention, elle existe tout de même au moins pour certains éléments, certaines cultures et à certains moments. La céramique néolithique est donc porteuse d’une identité culturelle et il semble bien que les potiers ne fabriquaient pas n’importe quoi : ils respectaient les traditions propres à leur groupe et à leur époque. C’est sans doute un peu triste ce manque de liberté, forcé ou non, ou d’originalité mais en tout cas, vous l’avez bien compris, c’est très pratique pour les archéologues. Précisons tout de suite que l'histoire de la céramique au Néolithique n'est pas linéaire et qu'il n'est pas possible d'observer une quelconque évolution vers la complexité ou de réels progrès, dans les domaines morphologiques, décoratifs ni même technique. La conception de la céramique Comme je l'ai déjà signalé tout à l'heure, vous devez garder à l'esprit que l'argile permet presque n'importe quelle fantaisie en matière de création d'objets ou de récipients.
Ainsi, même si nous avons de nombreux exemples de productions céramiques domestiques, au sens où elles correspondent à la maisonnée où elles sont produites et utilisées, la céramique semble plus refléter la société que l'individu. Les matières premières : fonction et acquisition Les matières premières nécessaires à la fabrication de la céramique sont au nombre de deux au minimum. Il s'agit de l'argile et de l'eau. La terre La terre employée pour la réalisation de céramique doit être une argile ou une roche argileuse. Il en existe de très nombreuses variétés, il peut s'agir d'argile d'origine fluviatile, d'argile de grotte… Ces argiles sont généralement récoltées à proximité des habitats préhistoriques où à des distances proches de l'ordre de 2 à 3 jours de marche, ce qui correspond à des territoires d'approvisionnement domestiques. C'est la nature de la terre employée qui donne sa couleur à la pâte de la céramique : rouge pour une argile ferrugineuse, beige pour une argile carbonatée. La couleur extérieure de la céramique est ensuite modifiée par la cuisson. Le dégraissant La présence d'un dégraissant dans la terre réduit légèrement sa plasticité mais, en introduisant une hétérogénéité à la structure, permet de réduire les risques de fissure et de casse lors du séchage et de la cuisson. Lors du séchage, se produit en effet, ce qu'on appelle un retrait qui est la contraction de la matière due dessiccation, c'est à dire à l'évaporation de l'eau incorporée lors du façonnage. Le dégraissant ajouté par l'homme peut être de diverses natures : L'eau Le dernier composant nécessaire à al fabrication de la céramique est l'eau, même si celle-ci disparaît lors du séchage et de la cuisson. C'est elle qui permet de façonner la matière. La fabrication La fabrication de la céramique comprend un certain nombre d'étapes que nous allons résumer. Leur nombre dépend du soin apporté à la réalisation et du type d'objet voulu. Au minimum, il s'agit de préparer la pâte, de façonner l'objet, de le faire sécher, de le cuire et de réaliser des finitions qui peuvent se placer avant ou après le séchage et après la cuisson ou même les trois. La préparation de la pâte peut être très soignée ou pas du tout. Le montage des récipients Il existe pour le montage des récipients plusieurs techniques connues au Néolithique
La technique du tournage, c'est à dire l'emploi d'un tour apparaît dès la fin de la Préhistoire au Moyen-Orient. En France on ne la voit débuter qu'à l'âge du Fer. Premières finitions et séchage L'étape suivante est celle de l'ajout d'éléments de préhensions ou de décors et certaines formes de traitement des surfaces et de décoration. Le bord du vase et la lèvre sont mis en forme et éventuellement aménagés (avec un bec verseur par exemple) Les éléments ajoutés peuvent être de nature très variée.
Tous ces éléments plastiques de préhensions peuvent avoir une vocation décorative. Le traitement de la surface est réalisé à ce moment : il peut aussi être absent. Généralement, la surface peut être grattée (elle est alors rugueuse) ou le plus souvent lissée alors que la pâte est encore humide ce qui donne une surface mate. La surface peut aussi être engobée c'est à dire recouverte d'une argile fluide, par trempage ce que l'on appelle la barbotine. La plupart des décors sont réalisés à ce moment. Outre les décors plastiques déjà mentionnés : Si les techniques sont peu nombreuses, les outils et les gestes peuvent être très variés. Pour n'en citer que quelques uns : la coquille, le peigne, le peigne fileté, la forme pour l'estampage et les outils coupants pour les incisions. Le séchage est une étape importante avant la cuisson. Sa durée est très variable en fonction des terres, de l'eau ajoutée, des conditions climatiques… Certains traitements de surface sont réalisés après séchage (polissage) La cuisson On connaît finalement peu de choses des cuissons de céramiques au Néolithique. L'essentiel des observations proviennent de l'ethnologie et de l'expérimentation. Aucun réel four, c'est à dire un système où les récipients sont isolés du combustible n'est connu pour le Néolithique en Europe occidentale bien que quelques rares structures sont interprétées dans ce sens. Le four ne semble apparaître pour nos régions qu'à l'âge du Bronze. Ici le four de Sévrier, dans les Alpes, qui date du Bronze final. Par l'expérimentation et l'analyse des objets, on sait que la cuisson de la céramique nécessite une température de 450 à 500° au minimum pour déshydrater l'argile et que les températures atteintes par les cuissons néolithiques étaient de l'ordre de 600 à 800°. Les cuissons néolithiques devaient généralement être réalisées soit en feu libre et foyer ouvert, soit plus généralement en meule, chapée ou non. Attention à ce sujet, de nombreux vases néolithiques ou plus récents étaient destinés à aller au feu et la couleur de leur surface a pu être modifiée parfois assez profondément. La durée de la cuisson est très variable et doit atteindre plusieurs heures pour des feux ouverts. Les structures intermédiaires avec un foyer situé sous les pots et une meule importante ou chapée sont plus rapides avec des cuissons de 30 minutes à deux heures. L'existence de la meule chapée, c'est à dire couverte d'un matériaux non combustible, au Néolithique n'est pas avérée, car elle atteint des températures pouvant être supérieure à 1000° qui ne sont pas observées sur le mobilier. Pendant la cuisson en meule ouverte, l'ennemi est le vent qui provoque de brusques changements de température dans le foyer et la casse de pots. La fin de la cuisson et l'extraction des céramiques est un moment délicat où de trop fortes variations thermiques peuvent provoquer de la casse. Après la cuisson de la céramique, celle-ci peut encore faire l'objet de traitement. Usage et vie de la céramique Typologie/technologie et fonctions de la céramique La question de la fonction de la céramique est tout aussi complexe que celle de la fonction des outillages.
La très grande majorité des objets en céramique sont cependant des récipients. En fait, toutes les fonctions connues actuellement pour des récipients sont sans doute représentées :
Il existe aussi des gammes de récipients dont il est plus difficile de préciser l'usage comme :
Il existe aussi probablement des productions destinées à un usage très spécifique, comme certaines séries de vases miniatures "des taraillettes comme on dit dans la région" qu'on peut trouver dans des contextes funéraires. Il n'est pas actuellement possible, pour le Néolithique occidental du moins d'observer des technologies particulières liées à un usage de la céramique. La recherche du contenu des récipients n'en est encore qu'à ses balbutiements. Il n'est pas rare d'observer des résidus charbonneux ou des caramels alimentaires sur les faces internes de certains récipients en céramique, mais les analyses de ces résidus demeurent rares et complexes. Leur développement permettra peut-être de mieux connaître les pratiques alimentaires néolithiques et aussi de préciser les relations entre la typologie des récipients et leur usage. Diffusions et échanges / Fabrication et consommation On va maintenant envisager rapidement les relations entre fabrication et consommation de la céramique et par là les questions de diffusion et d'échanges des objets en terre cuite. Pour le Néolithique, nous connaissons essentiellement, je l'ai déjà dit, des productions de céramique que l'on qualifie de domestiques ou d'artisanales mais au sens local du mot c'est à dire que les céramiques sont produites soit au sein et pour la maisonnée, soit au moins sur le site même où elles vont être utilisées. Il est pourtant relativement fréquent de trouver sur un site, au sein d'un assemblage céramique homogène, un ou quelques vases qui diffèrent par leurs matériaux, leurs techniques de fabrication ou leur style. En fait, de nombreux cas de figures sont possibles :
(exemple de la chamotte dans le campaniforme et le Rhône-Ouvèze.) L'une des interprétations les plus courantes, depuis le développement de l'ethnoarchéologie, pour la transformation des traditions céramiques est celle de l'exogamie. En effet, à l'heure actuelle, dans la plupart des régions du monde, la céramique fabriquée dans des contextes dits traditionnels est l'œuvre des femmes et les traditions céramiques peuvent se diffuser par les déplacements des personnes lors des mariages exogames entre villages. Durée de vie des céramiques La question de la durée de vie des céramiques est difficile. Malgré les observations qui montrent la courte durée de vie de la céramique, il est vraisemblable qu'au Néolithique déjà, certains vases ont une valeur particulière, ou bien est-ce que qu'on a mis dedans, puisque des céramiques font partie du mobilier funéraire dans de nombreuses cultures. Dans certains cas, comme pour le Campaniforme, la céramique elle même pourrait avoir une certaine valeur. Les usages des céramiques rejetées Les céramiques sont parfois déposées dans des tombes, et dans quelques cas sont abandonnées entières dans des fosses, des silos ou dans des habitats abandonnés, incendiés… Mais dans la plupart des cas elles sont rejetées parce que cassées ou passées de mode et finissent en petits morceaux que l'on appelle tessons et qui font la joie des archéologues. Les tessons ne sont cependant pas toujours la forme ultime de la céramique puisqu'ils peuvent encore être réutilisés généralement en raison de leur morphologie c'est à dire des objets plats. Enfin, rappelons que la céramique est aussi réutilisée sous la forme de chamotte pour la fabrication de nouvelles céramiques. La conservation de la céramique Deux mots pour finir ce chapitre, sur les questions de conservation.La céramique, dit-on se conserve généralement très bien après son enfouissement. Il existe des cas de sol suffisamment acides pour que la céramique disparaisse totalement, dans certains contextes granitiques où l'os disparaît aussi, qu'il soit humain ou animal et où la Préhistoire ne peut plus être étudiée qu'à partir des cailloux. Mais c'est un peu extrême ! Les principales altérations de la céramique sont : avant tout la fragmentation parfois extrême. Des altérations chimiques peuvent affecter la surface de la céramique ou le plus souvent faire disparaître toutes les particules de dégraissant : la céramique présente alors de nombreux petits trous qu'on appelle des vacuoles. Des altérations atmosphériques, lorsque les fragments ont séjourné longtemps à l'air libre. Des altérations mécaniques essentiellement de roulement et de frottement contre d'autres éléments céramiques ou des pierres dans les éboulis. Des dépôts d'origines diverses (le plus souvent carbonatation dans les sols ou, dans les grottes, des dépôts de calcite) peuvent aussi oblitérer la surface des fragments, empêchant d'observer d'éventuels décors et interdisant le recollage de plusieurs fragments avant traitement spécifique. Nous sommes donc arrivés, jusqu’au moment où le site enfoui va être découvert et fouillé par les archéologues. La suite c’est l’étude de la céramique que je ne vous exposerai donc pas ici. Quelques références bibliographiques Collectif (1994) – Terre cuite et société. La céramique, document technique, économique, culturel, Actes des XIVe Rencontres d’Archéologie et d’Histoire d’Antibes, Juan-les-Pins : Editions APDCA, 1994, 497 p. D’ANNA A., DESBAT A., GARCIA D., SCHMITT A., VERHAEGHE F. (2003) – La céramique. La poterie du Néolithique aux temps modernes. Paris : Editions Errance, 2003, 286 p. (Collection « Archéologiques ») GIBSON A., WOODS A. (1990) – Prehistoric Pottery for the archaeologist, Londres / Washington : Leicester University Press, 1990, 302 p. SERONIE-VIVIEN M.-R. (1975) – Introduction à l’étude des poteries préhistoriques, Le Bouscat : SCERSPB, 1975, 103 p. Sur le web : |
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