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M1 ACTE

"Chalcolithique"

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Cours en ligne : Master 1 ACTE

 

Préhistoire et Protohistoire
« Chalcolithique »

 

Je vous ai suggéré dans le cadre des cours de M1, la lecture de ce petit ouvrage, issu des séminaires du Collège de France, chaire des Civilisations de l’Europe au Néolithique et à l’âge du Bronze, dirigée par le Professeur Jean Guilaine.

GUILAINE J. (Dir.) (2007) – Le Chalcolithique et la construction des inégalités. Tome I Le continent européen. Séminaire du Collège de France, Paris : Errance, 2007, 228 p.

Cet ouvrage est intitulé « Le Chalcolithique et la construction des inégalités » et c’est de ce thème dont je voudrais vous parler ce matin.

Nous allons donc plonger dans le Néolithique, pour en envisager les changements profonds qui affectent les sociétés et ce qu’on a coutume d’appeler la construction des inégalités sociales et le développement des hiérarchies…

Nous verrons au travers de quelques exemples d’études et de théories ce dont disposent réellement les archéologues pour envisager les structures sociales des sociétés sans écriture et leurs évolutions…

Ce qui devrait vous intéresser au-delà de la simple tranche chronologique néolithique.

Je m’intéresserai tout d’abord à la métallurgie du cuivre, son apparition et son développement – puisqu’il s’agit de l’élément principal de la définition du Chalcolithique, ce qui nous retiendra un petit moment. Certains d’entre-vous ont déjà pu suivre ce petit exposé en L3, mais je pense que ce sera utile à tout le monde.
Puis, nous verrons les autres éléments qui caractérisent ce concept de Chalcolithique comme la monumentalité, certaines techniques et certains phénomènes.

Ceci devrait vous amener à réfléchir à ces questions d’évolution et de hiérarchie sociale dont vous devrez traiter si vous choisissez de faire un CR sur cette séance et l’ouvrage de Guilaine.

Deux choses en guise de préambule tout d’abord :

  1. Quelques mots sur la notion de « Chalcolithique »,
  2. Un petit rappel très rapide sur le Néolithique européen, pour vous fixer les idées avant d’entrer dans le thème lui-même.

 

Concernant le terme de Chalcolithique tout d’abord :

L’avant-propos de l’ouvrage par Jean Guilaine commence par : « Période de transition entre la fin des temps néolithiques et les débuts de l’âge du Bronze, le « Chalcolithique » constitue, dans l’évolution des sociétés, une période à la fois capitale et ambiguë… »

En fait, il est sans doute préférable de considérer le terme de Chalcolithique comme un concept que comme une période chronologique réellement.

Théoriquement, si le Néolithique désigne l’âge de la pierre nouvelle, la pierre polie, le chalcolithique désigne l’âge du Cuivre et correspondrait donc à une période chronologique.

Dans la réalité, cette période chronologique, comme bcp d’autres, n’est pas une tranche de temps ni égale en durée, ni se produisant au même moment, mais plus encore elle n’est pas réellement présente partout entre le Néolithique et l’âge du Bronze…

On pourrait considérer le Chalcolithique comme un stade technique, celui de la première métallurgie, stade atteint à un moment du développement du Néolithique, mais comme vous le verrez cela n’est pas si simple.

J’essayerai donc ici, de développer un peu ce qu’est le concept  de « chalcolithique », qui s’il n’est pas à mon sens une période, correspond effectivement à quelque chose de très important dans l’évolution des sociétés humaines.

Un petit rappel maintenant sur le Néolithique, pour être sûr que tout le monde suive bien.

La néolithisation, c’est avant tout un ensemble d’innovations qui vont accompagner le passage de l’économie de prédation à l’économie de production, donc des chasseurs-collecteurs aux agriculteurs-éleveurs.

Les éléments principaux de cette transformation sont donc :

La domestication végétale et le début de l’agriculture

La domestication animale et le début de l’élevage,

Auxquels on va associer parce que cela se produit ou apparaît au même moment ou dans le même processus :

La sédentarisation : les premiers habitats permanents, les premiers villages.

La céramique.

Le polissage de la pierre.

Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire à une partie d’entre vous, la métallurgie qui apparaît très rapidement dans ce contexte de néolithisation, n’en est pas un élément de définition mais elle est réellement liée à ce processus, nous y reviendrons tout à l’heure.

La néolithisation est un phénomène qui se produit très tardivement dans l’histoire de l’humanité, après la fin de la dernière période glaciaire appelée en Europe le Würm.

Donc au début de l’interglaciaire dans lequel nous sommes encore aujourd’hui… Il y a quelque chose comme 12000 ou 13000 ans.

La néolithisation ne se produit pas en un lieu unique mais dans plusieurs foyers qu’on dit primaires sur tous les continents.

Je ne détaille pas : Un foyer en Afrique saharienne, un en Chine, un en Amérique du sud dans les Andes, avec peut-être un autre en Amazonie orientale, un en Mésoamérique au Mexique actuel (et vous verrez comment se produit partiellement ce phénomène en Amérique du nord, cet après-midi. Et un dernier au Proche Orient, à la fois le plus ancien, le plus dilaté en séquence, puisqu’on peut le suivre pendant 5000 ans et aussi le mieux connu et celui qui nous intéresse car il est responsable de la néolithisation de l’Europe.

Concernant l’Europe, je vous rappelle qu’il n’y a pas de foyer reconnu de néolithisation autonome sur le continent, bien que certaines cultures très originales ont vu le jour sur le cours du Danube à la fin du Mésolithique.

Le mode de vie néolithique, avec ses villages, l’élevage et l’agriculture, l’usage de la céramique et le polissage de la pierre, arrive en Europe avec des colons en provenance du Proche Orient ou plus probablement d’Anatolie, en Turquie actuelle.

Cela se produit entre 6800 et 6100, par vagues de colonisation successives depuis l’Anatolie donc, gagnant tout d’abord la Grèce et à partir de là, à partir de 6100 à travers deux grandes voies de diffusion :

  1. l’une rapide le long des côtes nord-méditerranéennes qui va gagné la Méditerranée occidentale dès 5800 et franchir le détroit de Gibraltar dès 5600 gagnant le littoral atlantique à la fois au Portugal et au Maroc.
  2. L’autre en remontant à travers les Balkans et en suivant le cours du Danube, traversant l’Europe en diagonale jusqu’à atteindre la France nord-orientale et le bassin parisien entre 5300 et 5000.

Au milieu du Ve millénaire, vers 4500, les populations néolithisées sont partout et l’Europe continentale peut être qualifiée de Néolithique.

Il faudra encore attendre jusqu’au début du quatrième millénaire pour que les régions les plus septentrionales soient néolithisées à leur tour, comme les îles britanniques et le pourtour de la Mer du Nord et de la Baltique.

Ce phénomène de néolithisation de l’Europe est très important pour le sujet qui nous occupe aujourd’hui.

Car cette diffusion ne se fait pas partout de la même façon, je vous ai parlé dans les années précédentes des processus eux-mêmes entre la colonisation et l’expansion démographique et surtout les questions d’acculturation des populations locales puisque je vous le rappelle l’Europe est à ce moment peuplée de groupes mésolithiques, généralement mobiles et peu nombreux en densité de peuplement, mais qui vont quand même participer plus ou moins activement selon les secteurs à la néolithisation du continent, à la transmission de ce nouveau mode de vie, à son adaptation aux conditions locales aussi.

Ce qui en résulte c’est ce que Jean Guilaine a appelé l’arythmie de la néolithisation de l’Europe : de grandes avancées, par colonisation, très loin, très vite, des progressions plus lentes génération après génération, et aussi des phases de stagnation plus ou moins importantes, comme au nord des Balkans.

Et en Europe, cela va contribuer à la constitution d’un grand nombre de cultures archéologiques et donc de traditions humaines différentes, contrastées, affirmées parfois.

Ces traditions se suivent au départ assez bien car elles sont encore homogènes.

En Grèce et dans les Balkans, on voit se succéder les groupes à céramique monochrome, puis les groupes à céramique peinte en provenance, toutes deux de Turquie, formant un ensemble homogène balkano-anatolien.

Puis avec, la mise en place des deux systèmes de diffusion en Europe on va avoir deux grandes traditions : Les céramiques à décor imprimé en Méditerranée et les céramiques linéaires ou rubanées dans la zone danubienne et en Europe centrale en général.

A la fin du Néolithique ancien, dès 4700 avant notre ère en Europe occidentale, mais dès 5500 en Europe sud-orientale, ces grands ensembles explosent, se divisent, se morcellent en cultures plus affirmées et plus restreintes géographiquement. Pourquoi ? Je ne sais pas, sans doute un effet de l’Histoire, de ces histoires qui nous montrent au détour de la fouille des sites, des abandons, des destructions, des fortifications…

A l’extrême occident à cette époque, les néolithiques parvenus au bout du monde connu évoluent… dès 4700-4500 les sociétés se transforment avec un grand mouvement archéologiquement observable qui est celui de la monumentalisation de l’Europe occidentale, à la fois au nord-ouest atlantique et en Méditerranée occidentale.

C’est l’époque des premiers dolmens et menhirs… des sépultures monumentales, individuelles dans un premier temps, puis collectives. L’époque ou les villages se fortifient de façon ostentatoire…
Nous y reviendrons tout à l’heure.

Et c’est dans cette même époque qu’à l’autre bout du continent, là où tout avait commencé, dans les Balkans, la métallurgie se développe en Europe marquant selon les chercheurs :

  1. Soit le parachèvement des sociétés et du système néolithiques,
  2. Soit le passage à un nouveau stade, appelé le « Chalcolithique ».

Je voudrais maintenant revenir un petit peu sur ce développement de la métallurgie.

En guise d’introduction, je commencerai par vous signaler – et rappeler à ceux qui m’ont eu en cours l’année dernière -, que le développement de la métallurgie, s’il ne fait pas partie de la définition du Néolithique, semble bel et bien liée de façon plus ou moins directe, au processus de la néolithisation.

Ce lien qui existe entre Néolithique et métallurgie, on peut le montrer à deux niveaux :

  1. Le premier est géographique puisque les premières manifestations de pratiques métallurgiques apparaîtront dans des régions de néolithisation ancienne et non dans les régions nouvellement colonisées ou en marge de la néolithisation. La métallurgie est bien ainsi le fait d’agriculteurs-éleveurs sédentaires ou  de sociétés en voie de néolithisation.

 

  1. Le second lien est chronologique, car comme nous allons le voir, les premières formes de métallurgie, la métallurgie à froid en particulier, vont apparaître très précocement au sein du processus de néolithisation.

Toujours dans ce semblant d’introduction, nous pouvons nous demander pourquoi les archéologues, si ce n’est les préhistoriques, accordent-ils une place aussi importante à l’apparition et au développement du métal ?

Il y a probablement une double réponse à cette question.

D’une part, les outils de métal ont du assez rapidement supplanter au niveau de l’efficacité, leurs ancêtres de pierre… N’en déplaise à certains lithiciens.

Cette raison là est assez évidente si on considère les outils de métal et leur efficacité intrinsèque. La demande a du être rapidement très forte pour ce type d’objet, entraînant nécessairement des échanges à très longue distance, mais aussi un intérêt particulier pour la possession aussi bien du savoir faire métallurgique que des mines de métal elles-mêmes avec très tôt le développement de conflits pour ces contrôles.

La seconde raison est probablement d’ordre social, le métal étant au moins autant sinon plus utilisé pour l’apparat que pour la réalisation de réels outils – même si ceux-ci existent réellement contrairement à ce que racontent certains.

L’apparat c’est à la fois les parures mais aussi les armes portées par des hommes ou des femmes. Et à travers ça, c’est évidemment un marqueur social, car celui qui porte parures et armes de métal a les « moyens » entre guillemets de les obtenir…

Le métal intervient donc dans un contexte de développement des inégalités sociales, mais attention, il accompagne ce développement et n’en est pas la cause qu’il faut aller chercher plus loin dans la néolithisation avec le double phénomène de la sédentarisation et du stockage.

Ce qui est évident c’est que si le développement des techniques métallurgiques a été très long, plusieurs siècles à plusieurs millénaires selon les régions, une fois ce cap franchi, il n’est plus question de retour en arrière et la métallurgie va s’imposer partout peu à peu.

Concernant maintenant le développement et la diffusion de la métallurgie.

Tout d’abord, le phénomène, comme beaucoup d’innovations, est semblable à la néolithisation.

C'est-à-dire que le développement de la métallurgie est un processus très long à se mettre en place initialement, dans les régions d’origine, pendant probablement plusieurs millénaires entre la première utilisation du cuivre natif à froid et le développement des techniques spécifique d’extraction de métal à partir de certains minerais et l’invention des alliages.

Dans d’autres régions, à l’inverse, les techniques métallurgiques sont apparues toutes constituées, par diffusion.

C’est une évidence, bien entendu, mais pensez que cela aura un impact totalement différent sur les sociétés concernées.

Alors, je n’ai pas le temps de développer ici longuement sur les prémices de la métallurgie.

Sachez cependant que le martelage à froid de cuivre natif ou de malachite existe depuis le Xe puis surtout le IXe millénaires au Proche Orient, et plus précisément en Iraq et en Anatolie.

Le développement de la métallurgie, c'est-à-dire de la réduction des minerais, semble quand même lié surtout à celui de la céramique, en raison d’une communauté des arts du feu et en fait, il a fallut beaucoup de temps pour apprendre à maîtriser les hautes températures.

Si l’on écarte ici certaines expériences paléolithiques supposées de cuisson d’argile, le développement des arts du feu commence dès la fin du Xe millénaire, pour le Proche Orient, avec l’apparition des premiers godets de céramique à Mureybet par exemple.

Mais le réel développement n’apparaît que pendant le IXe et surtout le VIIIe millénaire avec la fabrication de plâtre par la cuisson du gypse, et l’apparition progressive de figurines de terre cuite.

Le développement de la céramique semble s’accélérer autour de 7000 avant notre ère, dans le Levant et peut-être même un peu plus tôt en Turquie.

Il semble aujourd’hui évident que les progrès faits dans la maîtrise des températures de cuisson des céramiques a eu un impact direct sur le développement de la métallurgie.

Et c’est en Turquie que les progrès semblent les plus rapides pour ce nouveau développement.

Ainsi on va trouver sur le site de çatal Höyük en Anatolie, dans des niveaux du VIIe millénaire, à la fois de petits objets de plomb (mais peut-être encore natif) et de cuivre et des scories attestant de la fonte de cuivre.

et cela sur d’autres sites…

Venons en maintenant à l’Europe et précisément au sud-est de l’Europe qui va voir se développer la première métallurgie européenne.

Nous avons en fait une série de cultures dites « chalcolithiques » qui vont s’étendre de la mer noire à l’adriatique à travers les Balkans :

  1. Culture de Vinça en Yougoslavie,
  2. Gumelnitsa en Roumanie et Bulgarie,
  3. Cucuteni en Roumanie et en Ukraine,
  4. Tiszapolgar en Hongrie.

 

Toutes ces cultures sont datées de la seconde moitié du Ve millénaire avant notre ère et toutes connaissent la métallurgie du cuivre.

Pendant longtemps, on a considéré, après les travaux et les théories de Vere Gordon Childe puis de Edward Sangmeister et de son équipe, que la métallurgie née au Proche Orient s’était diffusée vers l’Europe, dans une chronologie très rapide et très tardive.

Aujourd’hui, l’ancienneté du foyer balkanique et les nombreuses données accumulées permettent de repenser ce schéma et d’envisager une métallurgie européenne autochtone dans les Balkans.

La naissance de cette métallurgie peut ainsi être suivie selon un processus proche de celui de l’Anatolie, à ceci près que les néolithiques européens connaissent les arts du feu et la fabrication de la céramique dès leur arrivée en Europe.

Il semble que le cuivre natif soit travaillé à froid dès la fin du VIe millénaire, c'est-à-dire vers 5000 avant notre ère, ce qui a conduit à l’apparition d’une réelle métallurgie peut-être dès la première moitié du Ve millénaire.

Mais les contacts avec les régions turques ne peuvent cependant être totalement exclus.

La question de l’existence d’autres foyers métallurgiques en Europe à cette haute époque est plus complexe.

Il semble bien que l’essentiel de la métallurgie du reste de l’Europe correspond à une diffusion à partir de ces régions sud-orientales, le long de l’axe danubien dans un premier temps et cela jusqu’en Suisse, où des cultures du Néolithique moyen montrent l’usage de cuivre, autour de 3800.

Mais, restons pour le moment dans les Balkans, où le cuivre est à l’origine du développement de cultures particulièrement florissantes.

La métallurgie du cuivre y durera plus longtemps qu’ailleurs, avec un âge du cuivre qui va durer du Ve jusqu’au IIIe millénaire.

Au départ, il s’agit donc d’un travail par martelage de cuivre natif mais aussi de carbonates et d’oxydes, mais dès les débuts du Ve millénaire on voit une évolution rapide avec :

  1. d’abord une fonte à moule ouvert, suivie d’une phase de martelage pour la mise en forme,
  2. ensuite, se développent les moules bivalves et le forgeage pour donner aux objets des formes plus élaborées.

Entre 4500 et 3500, c’est une véritable explosion du métal, où on observe des mines de régions très diverses mises à contribution, des échanges à très longues distances avec de nombreux objets qui circulent, l’apparition de réels dépôts pouvant être importants (400 objets à Karbuna en Moldavie…

La métallurgie de l’or se développe dans le même temps.

La zone géographique concernée s’étend de la mer noire à la Moldavie et à l’Ukraine à l’est, jusqu’à la Hongrie et la Serbie et même l’Adriatique à l’ouest et à la Macédoine au sud.

De cette époque on connaît plusieurs mines de cuivre. Les plus célèbres sont celles Ai Bunar en Bulgarie exploitées dès le Ve millénaire avant notre ère.

Les tranchées préhistoriques de 5 à 6 mètres de larges, voire plus on atteint fréquemment 10 m de profondeur et parfois 20 m.

Il existe des amorces de galeries mais l’essentiel de l’exploitation se faisait à ciel ouvert. Des pics en bois de cerf ont été retrouvé sur place et témoignent de l’outillage des mineurs.

L’importance de cette mine montre à la fois une longue durée d’utilisation mais aussi l’intensité de celle-ci, une main d’œuvre sans doute nombreuse et une organisation importante.

Les sites proches ne livrent pas beaucoup de cuivre, quelques objets finis et des fragments de minerais rares. L’essentiel de la production devait être emporté vers des centres spécialisés dans la fonte et la fabrication des objets, mais qui demeurent inconnus.

Aussi exploitée dès le Ve millénaire, la mine de Rudna Glava en Ex-Yougoslavie (en Serbie) a livré elle aussi des traces d’exploitations profondes et des outils en bois de cerf et en pierre, dont des maillets à rainure.
Aucun site n’est connu à proximité et le mobilier archéologique trouvé sur place témoigne sans doute d’une exploitation saisonnière du gîte avec campement sur place par un groupe venu d’une distance inconnue.
La production de cette mine peut s’exprimer en tonnes et a été intensément exploitée jusqu’à l’épuisement des filons au IIIe millénaire.

Au Ve millénaire aussi, je vous l’ai dit, on va avoir le développement de l’orfèvrerie, c'est-à-dire de la métallurgie de l’or, dans les mêmes régions.

L’or tient une place un peu particulière en fonction de deux aspects :

  1. d’une part, l’or ne convient pas à la fabrication d’objets réellement utilitaire, en raison de sa malléabilité et il va donc servir, comme le premier cuivre d’ailleurs, à la fabrication d’objets inutiles, principalement des parures.
  2. D’autre part, l’or nécessite beaucoup de travail pour la fabrication d’objets et c’est d’emblée dans la parure rare et dans le symbole que vont se cantonner les productions en or de la Préhistoire.

 

Dans les Balkans, de nombreux sites ont livré des éléments en or, en Bulgarie, en Roumanie… généralement, des anneaux, des perles, des fils, des boucles d’oreilles.

Mais le site le plus célèbre est probablement la nécropole de Varna en Bulgarie, sur la côte de la Mer noire.

Nous sommes entre 4600 et 4200 avant notre ère.

293 sépultures ont été fouillées, témoignant du caractère florissant des cultures du Chalcolithique balkanique.

Le groupe culturel a été défini à partir de la nécropole et de quelques sites sous le nom de groupe de Varna. Il voisine avec d’autres grandes cultures comme le groupe de Bolgrad et la phase ancienne de l’ensemble Cucuteni-Tripolje en Moldavie et dans le sud de l’Ukraine et plus proche l’ensemble Kodjadermen – Gumelnitsa – Karanovo VI qui s’étend sur la Bulgarie du nord-est, côte exceptée et le sud-est de la Roumanie.

Les sépultures montrent des sujets en position repliée ou étendue dans des tombes individuelles. Certaines tombes témoignent de pratiques complexes, sépultures secondaires avec une poignée d’ossements, voire de cénotaphes.

Les corps sont accompagnés de céramique, de longs couteaux de silex (parmi les plus longs existant, jusqu’à 40 cm), de haches et de herminettes de cuivre, mais surtout d’une quantité d’or absolument inédite.

Sur les 293 sépultures fouillées, 61 au moins contenaient de l’or et précisément 3028 objets totalisant plus de 6 kg d’or.

Ces objets sont très variés,  en vrac :

  1. bracelets
  2. bagues
  3. bandeaux ou diadèmes,
  4. pendentifs anthropomorphes,
  5. perles
  6. cylindres et éléments de sceptres
  7. plaques perforées (pectoraux ?)
  8. boutons
  9. appliques pouvant figurer des bovidés…
  10. haches
  11. coins
  12. Mais aussi des vases de céramiques rehaussés de peinture à l’or… et une astragale de bovidé en or

Evidemment, nous ne connaissons pas la signification de cette quantité de trésors et donc ce qu’ils traduisent socialement pour ces groupes.
La nécropole de Varna est généralement interprétée comme celle d’une aristocratie et non comme celle d’un village ordinaire. Mais de quelle aristocratie s’agit-il ? de commerçants, de politiques…

Ce qui est sûr, c’est que nous sommes face à des individus qui se démarquent du reste de la société et qu’il s’agit bel et bien d’un tournant de l’évolution des sociétés agro-pastorales.

Mais ce monde florissant n’a qu’un temps et dès la fin du IVe millénaire, puis au IIIe, les productions métalliques chutent de façon vertigineuse, le cuivre se fait rare peut-être en raison de l’intense exploitation des ressources jusqu’à ce moment.

On ne va plus trouver de cuivre pur et on va lui préféré les alliages : du cuivre arsénié tout d’abord, puis du bronze, mais cet alliage ne se développera réellement qu’au second millénaire.

Si au Ve millénaire, la métallurgie semble couvrir l’essentiel des Balkans, suivant peut-être le développement de la culture de Vinça, l’Adriatique semble constituer une barrière importante à la diffusion de cette métallurgie vers la Méditerranée centrale et occidentale.

En réalité la côte est de l’Adriatique elle-même n’est pas affectée par le développement de cette métallurgie, à l’exception notable du sud-est de cette région, presque à la frontière grecque, avec la culture de Maliq.

Dans une première étape, entre 5000 et 4500, on ne connaît que de rares objets de cuivre mais entre 4500 et 4000, avec la phase Maliq 2, la métallurgie s’impose rapidement avec des objets de belles tailles et les nombreuses scories découvertes témoignent d’une production sur place.

Sur le reste de la côte adriatique, comme en face, en Italie, la métallurgie demeure inconnue jusqu’à une époque plus tardive.

Ainsi, en Italie péninsulaire, les découvertes de métal demeurent rares et assez tardives. De très rares objets proviennent de contextes divers dans la première moitié du IVe millénaire et on peut citer l’existence à la même époque de scories de cuivre sur l’acropole de Lipari dans les Eoliennes.

Il faut attendre la transition du IVe au IIIe millénaire pour que divers foyers de production d’objets en cuivre : la Campanie, le Latium, la Toscane, l’Emilie et la Plaine lombarde.

Pendant longtemps on a voulu faire venir cette première métallurgie italienne de la Mer Egée, que je n’ai pas développé ici.

En fait la métallurgie égéenne ne semble se développer qu’à partir du début du IIIe millénaire et l’absence de relais sur la côte adriatique ne plaide pas pour cette introduction orientale.

Selon les connaissances actuelles, c’est plutôt vers le monde alpin qu’il faudrait rechercher l’origine de ces métallurgies italiques.

En Italie du nord, les connaissances concernant la première métallurgie sont en passe d’être considérablement renouvelées avec la mise au jour de nombreux objets de cuivre dans des contextes du Néolithique moyen, avec la culture des Vases à bouches carrées VBQ. Mais ces données demeurent peu ou pas publiées.

En Italie du nord, il faut probablement distinguer deux secteurs :

D’une part la zone alpine d’Italie centro-septentrionale qui fait sans doute référence au monde danubien et balkanique.

Ainsi les premières exploitations alpines Italo-autrichiennes pourraient être datées à Götschenberg entre 3642 et 3356 av.

Et d’autre part, la zone occidentale, ligurienne qui serait tournée vers l’ouest et la méditerranée occidentale.

Concernant l’exploitation elle-même on connaît aujourd’hui plusieurs mines en Ligurie, dans la région de Gènes, qui ont livré des dates dès le milieu du IVe millénaire ou au moins dans la seconde moitié du IVe millénaire.

C’est le cas de la mine de Libiola datée entre 3490 et 3102 av. et de celle de Monte Loreto datée entre 3645 et 3335 av.

En Méditerranée occidentale, que se passe-t-il ?

Il y a le cas de la Corse, qui semble avoir développé une métallurgie originale qui est datée autour de 3400 à 3000.

Sur le site de Terrina, du côté d’Aleria sur la côte orientale, la fouille d’un dépotoir attribué à la culture que l’on appellera le Terrinien, a livré des creusets, des scories et une tuyère.

A l’inverse, la Sardaigne ne semble pas montrer de réels développements avant 2500 avant notre ère avec la culture de Monte Claro.
De rares objets dans les phases finales du groupe d’Ozieri témoignent de la présence de cuivre dès 3000.

Les Baléares restent à l’écart et la métallurgie n’y apparaîtra qu’en contexte campaniforme, au moment du peuplement massif de l’île dans la seconde moitié du IIIe millénaire. 

Concernant les premières éclosions de métallurgie, le cas de la Péninsule Ibérique pose de réels problèmes.

Vous pourrez lire ici ou là que la métallurgie s’est développée dans le sud de la Péninsule, en Espagne, dès le Ve millénaire.

Cette idée est attachée à la découverte sur le site de  Cerro Virtud à Almeria d’un fragment de vase four dans un contexte daté de la première moitié du Ve millénaire.

Certains chercheurs espagnols ont donc milité pour un développement autochtone et indépendant de la métallurgie ibérique dès cette haute époque.
En réalité, ces données sont encore aujourd’hui très controversées et il n’est pas possible de soutenir objectivement cette hypothèse.

Parmi ces premières éclosions, il convient de mentionner aussi la France, puisque malgré des données encore peu nombreuses, un complexe minier et métallurgique a cependant déjà fait l’objet de plus de 20 ans d’études :

Il s’agit de ce qu’on appelle le district minier de Cabrières-Péret dans l’Hérault.

Sur un secteur de quelques kilomètres, dans les garrigues au nord de Béziers, on connaît actuellement près d’une vingtaine de mines plus ou moins importantes et datées de la fin du Néolithique et du début de l’âge du Bronze, mais on connaît aussi 4 ou 5 sites de traitements du minerai ainsi que 6 ou 8 sites d’habitat occupés à la fin du Néolithique dans une période contemporaine de l’exploitation des mines.

Les mines se présentent selon les cas, comme de toutes petites exploitations de filons, comme ici avec la mine de la vierge qui a été la première à livrer du mobilier du début du IIe millénaire, en France.

Mais il existe aussi des galeries beaucoup plus importantes comme à Pioch Farrus IV.

Plusieurs ateliers ont aussi été découverts comme celui de Roque Fenestre,

Mais la découverte la plus importante est sans doute celle de la Capitelle du Broum sur la commune de Péret qui semble avoir été à la fois un habitat et un lieu d’exploitation du cuivre pendant le IIIe millénaire.

On peut y voir des constructions de type Fontbouisse ou pré-Fontbouisse, maison ovale…

Des foyers de métallurgie,

Des outils spécifiques…

La métallurgie est d’autant plus intéressante sur ce secteur que de nombreux minerais ont été essayés et parfois de mauvais minerais ont nécessité le développement de techniques assez sophistiquées.

Mais l’exploitation est sans doute antérieure au groupe de Fontbouisse puisque les datations pourraient faire remonter la première métallurgie sur ce site à la période 3100 – 3000.

Ce premier foyer de métallurgie en France semble avoir été très actif jusqu’au milieu du IIIe millénaire puisque le cuivre de Cabrières se trouve dans la plupart des régions du Midi de la France et jusque sur la côte atlantique dans des contextes de la fin du Néolithique.

Ainsi les premiers objets en cuivre en France ont au moins 3 origines :

  1. d’une part, sans doute la métallurgie d’Europe centrale, avec la culture cordée qui étend son influence jusque dans l’Est de la France et les Alpes.
  2. Mais aussi une métallurgie sud-alpine d’origine italique dans le IIIe millénaire là encore, avec les poignards de type Remedello,
  3. et bien sûr une production locale avec pour le moment le centre de Cabrières.

En réalité, l’existence d’autres centres métallurgiques, en particulier dans le Midi de la France est supposée, à partir de l’analyse de certains objets qui pourrait indiquer l’existence d’une métallurgie dans plusieurs régions, comme dans les Causses et la Montagne Noire et de l’autre côté en Provence et dans le sud des Alpes.

Les travaux sont encore en cours.

Mais au IIIe millénaire, alors que les Balkans ne sont plus la région Chalcolithique par excellence, c’est la Péninsule Ibérique qui semble prendre le relais.

Le travail du métal se généralise à la fin du IVe millénaire, à la même époque que le développement de Cabrières dans l’Hérault.

Plusieurs centres sont sans doute actifs, dans le sud-est avec la région d’Almeria, en Andalousie, mais aussi en Algarve et jusqu’en Estrémadure portugaise.

Les productions des différents groupes culturels de ces régions, le groupe de Los Millares dans le sud de l’Espagne

et le groupe de Villa Nova de Sao Pedro au Portugal sont à la fois abondantes et strictement locales comme en témoignent les découvertes de fours, d’outils et de scories.

C’est sans doute à partir de la Péninsule Ibérique, du sud et de l’ouest que la métallurgie se rediffuse, à partir du milieu du IIIe millénaire à travers la Péninsule tout d’abord, puis à travers une grande partie de l’Europe occidentale, accompagnant la diffusion des gobelets campaniformes.

Nous aurons là à la fois de nouveaux types d’objets et de nouvelles techniques de fabrication.

En même temps, la pratique métallurgique elle-même semble se répandre à de nombreuses régions où on ne trouvait jusque là que quelques objets probablement diffusés, échangés… Et la quantité de métal présent sur les sites devient beaucoup plus importante.

L’orfèvrerie et l’argenterie sont aussi présentes en Europe occidentale, bien qu’il n’y a rien de comparable avec Varna.

Dès avant la période campaniforme qui va marquer un grand intérêt pour les objets en or, de rares objets sont présents dans des sépultures collectives généralement. 

Le cas de la sépulture de Pauilhac dans le Gers demeure exceptionnel : haches d’apparat, reste d’un cheval et un diadème en or, le tout qui pourrait être daté de 4000 avant notre ère et témoigne sans doute de contacts avec l’Europe centrale.

Avec le Campaniforme, l’or et l’argent vont se rencontrer plus fréquemment en contexte funéraire.

Ailleurs en Europe, la métallurgie semble bien liée au développement des grandes cultures de la fin du IIIe millénaire, à la fois le Cordé en Europe centrale et septentrionale et le Campaniforme en Europe méridionale et occidentale.

Ainsi la métallurgie de la Suisse qui avait été amorcée par des contacts précoces avec l’Europe orientale, dans la culture de Pfyn, ne redémarre réellement que vers 2800 probablement sous impulsion cordée.

A l’extrême nord-ouest, c’est au Campaniforme qu’il faut attribuer la diffusion des techniques métallurgiques à la Grande Bretagne et à l’Irlande.

A la fin de la période, c'est-à-dire avec le développement en France de ce qu’on appelle les céramiques à décor barbelé de l’Epicampaniforme ou de la transition du Néolithique au Bronze ancien, on voit apparaître de menus objets de bronze qui se réduisent le plus souvent à des alènes losangiques et quelques tous petits fragments informes. Nous sommes entre 2150 et 1850 avant notre ère et l’âge du Bronze débute timidement.

L’origine dans l’Est et le sud de la France de ces objets est à chercher en Europe centrale ou centro-méridionale, car les céramiques à décors barbelés elles-mêmes proviennent de ces régions ou de l’extrême nord-ouest des Balkans.

En réalité ce tout premier bronze ancien est encore néolithique par bien des aspects et il faut sans doute attendre le Bronze ancien 2, avec ce qu’on appelait autrefois la culture du Rhône, pour que des objets à la fois massifs et nombreux en bronze (haches et poignards essentiellement) fasse leur apparition et traduise le passage réel à l’âge du Bronze.

Voilà donc pour une petite histoire résumée de la Préhistoire de la métallurgie, si l’Histoire de la métallurgie commence donc ensuite dans l’âge du Bronze.

Mais comme vous pouvez l’entrevoir, la place de cette métallurgie naissante est très variable selon les régions à une même époque.
Et dans les époques les plus anciennes, au Ve millénaire, un seul petit bout de l’Europe sud-orientale est concernée par le phénomène.
Selon certains chercheurs c’est quand même dès cette époque qu’il faut parler de Chalcolithique pour l’ensemble de l’Europe, parce que :

  1. les contacts existent à longue distance et le développement de la Métallurgie aurait des répercussions très loin sur le continent…

 

Ce que peut illustrer la tombe de Pauilhac avec son diadème d’or dans le sud-ouest de la France près de 1000 ans avant le développement de la métallurgie dans le Midi de la France.

  1. le Chalcolithique ne doit pas se réduire au développement de la métallurgie mais concerne le concept de « processus de complexité » qui touche lui effectivement l’essentiel du contient dès le Ve millénaire.

 

Ce qui peut être illustré cette fois par le développement des dépôts : dépôts de métaux en Europe orientale et dépôts de haches de pierre polie en Europe occidentale, l’existence de dépôts mixtes sur la zone frontière indiquant probablement la communauté idéologique de ces deux types de dépôts.

Ce développement d’un processus de complexité qui constituerait le Chalcolithique recouvre des notions différentes selon les chercheurs.

Marion Lichardus (ex-Prof de Protohistoire européenne à Paris I) qui en fait une synthèse évoque pour l’Europe orientale ce qui définit le Chalcolithique :

- maisons plutôt restreintes regroupées dans des villages ceinturés (souvent de fossés) et selon un plan parfois ordonné et pensé (cf. Bulgarie)

- sites « monumentaux » (enceintes) à fonction énigmatique, certainement multiple : écono­mique, sociale, cultuelle, etc.

- complexes miniers d'exploitation des gîtes à silex

- domestication et usage du cheval comme animal attelé

- apparition du chariot à deux ou quatre roues

- usage de l'araire tiré par des bœufs

- production de pains de sel destinés à l'échange

- métallurgie du cuivre, de l'or et de l'argent

- différences sociales marquées avec transmission héréditaire

- présence de tombes monumentales

- stylisation des figurines et augmentation des statuettes masculines

- développement d'armes (arc composite et javelines de silex) chez les populations des steppes.

Evidemment, la plupart de ces manifestations, présentes en Europe dès — 4500 environ, font clairement penser à des lignes unificatrices d'un seul et même « système ».

Reste à savoir si celui-ci a été répercuté selon un processus de migrations ou si l'évolution interne des cultures néolithiques n'a pas simultanément généré diverses avancées — techniques, économiques, sociales — devenues interactives avec celles de régions plus éloignées par suite de mécanismes d'échanges à plus ou moins longue distance.

Autrement dit le choix existe entre un modèle de type foyer/dispersion centrifuge et un autre fondé sur des évolutions parallèles qu'enrichissent réciproquement des réseaux relationnels.

La « Chalcolithisation » ne se limite donc pas au développement de la métallurgie.
Cela va aussi être le moment du développement de la monumentalité.

En fait, dès la fin du Néolithique ancien ou le début du Néolithique moyen donc dans le courant du Ve millénaire la colonisation de l’ensemble de l’Europe est presque achevée.

A partir de ce moment l’ensemble des terres de l’Europe est occupée par des groupes néolithiques et il semble que, à défaut de pouvoir accaparer de nouvelles terres, les sociétés néolithiques doivent – pour survivre – évoluer. C’est peut-être, sans doute, la source de ce phénomène de Chalcolithisation.

Nous connaissons mal dans le détail l’organisation des sociétés dans ces périodes, mais certains traits de la culture matérielle comme certains monuments semblent révélateurs de ces modifications.

A l’échelle globale, monumentalité et Néolithique se confondent chronologiquement. C'est-à-dire que si nous ne connaissons pas de constructions monumentales pour le Paléolithiques, celles-ci existent bien depuis le début du Néolithique et pendant toute sa durée.

Dès le début de la néolithisation, au Proche Orient, pour ne prendre que deux exemples évident du PPN : les fortifications de Jericho et les temples de Gobekli Tepe.

En Europe, c’est donc dès le Néolithique ancien que nous pouvons observer des constructions monumentales. Les plus anciennes étant généralement des enceintes autour des villages.

Celles-ci sont bien connues depuis la Grèce, ici avec le site de Sesklo, jusque dans le monde danubien d’Europe centrale jusque chez nous ou presque.

Ici l’enceinte de Darion dans le Rubané de Belgique.

C’est surtout à partir du Néolithique moyen, donc au milieu et dans la seconde moitié du 5e millénaire pour l’Europe occidentale que la monumentalité se développe et se répand largement.

Tout d’abord, évidemment les enceintes existent toujours et même se répandent largement, dans le monde chasséen par exemple en France. Celles-ci peuvent enclore les villages mais elles vont aussi avoir sans doute d’autres fonctions que nous avons déjà évoqué pour la vallée du Rhône ou pour le Toulousain mais aussi sans doute en Centre-Ouest où ces enceintes peuvent enclore de vastes espaces archéologiquement vides ou presque et interprétés généralement comme des lieux de rassemblements quel que soit la nature de celui-ci (commercial, politique, religieux…).

C’est surtout le moment du développement d’une monumentalité funéraire importante avec toutes les variétés de sépultures mégalithiques qui apparaissent au nord-ouest de l’Europe,

mais aussi des monuments funéraires non mégalithiques dont les monuments cerny.

Mais dès la fin du 5e millénaire et pendant le 4e millénaire, nous allons avoir le développement d’autres formes de monuments dont la fonction ne va plus être défensive ou funéraire et dont les interprétations vont être plus difficiles à établir.

Il s’agit bien évidemment des menhirs dont la mode va se répandre sans doute avec celle des tombes mégalithiques mais dont la fonction demeure inconnue même si les élucubrations sur le sujet ne manquent pas.

Rappelons pour commencer que les menhirs ne marquent pas l’emplacement de sépultures, comme certains touristes le croient encore.
Mais au-delà de ça… les interprétations sont nombreuses et il est difficile d’y trancher, tout d’abord parce que les menhirs recouvrent en fait une grande variété de monuments différents :
les menhirs peuvent être isolés, c’es même le cas le plus fréquent, mais ils sont aussi assez souvent en groupes (généralement de deux, parfois plus) ou en files de quelques pierres et parfois, mais seulement parfois en nombreuses files de nombreuses pierres.

Leurs dimensions sont aussi très variables puisqu’il existe des micro-menhirs qui peuvent difficilement être qualifié de mégalithes et de très grandes pierres dont quelques cas ont subsistés jusqu’à ce jour comme celui de Locmariaquer avec 20 m de long, mais il en existe aussi de 10 mètres encore debout à Plouarzel toujours en Bretagne, et d’autres moins grands mais quand même impressionnant dans le Midi. Par ailleurs les menhirs ne sont pas rares : 700 sites à menhirs sont aujourd’hui recensés en Bretagne.

Les grands rassemblements de menhirs comme ceux de Carnac, en Bretagne, peuvent compter plus de 1000 pierres associées en un même monument. Il en reste 3000 au total et on en évoque 10000 pour restituer les monuments d’origine. Ces grandes files de menhirs s’étendent sur des distances pouvant atteindre 1 km.

Contrairement à ce que les touristes pensent généralement, il ne s’agit pas de rangées de pierres dressées sur des kilomètres, mais de monuments complexes qui se fondent sur la topographie du paysage, car les monuments ne sont pas implantés au hasard, et qui peuvent fréquemment s’associer à d’autres constructions : des enceintes de menhirs ou de gros blocs, des levées de terres, et des sépultures, mais pas toujours et pas partout.

Je ne développe pas ici les interprétations plus ou moins fumeuses émises pour ces alignements de menhirs.
Les moins folkloriques sont les interprétations astronomiques puisqu’il semble bien malgré tout que les monuments ont été conçus en fonction de données célestes, mais elles ne suffisent pas à expliquer ce que sont les monuments : probablement ni des cartes du ciel, ni des calendriers… peut-être des monuments religieux dont on pourra toujours chercher la signification ou des monuments commémoratifs ou chaque pierre représente quelque chose ou quelqu'un… On en le saura sans doute pas avant d’avoir inventer le voyage dans le temps.

A la fin du 4e et pendant le 3e millénaire, les menhirs vont parfois s’organiser en monuments circulaires appelés cromlechs. En Angleterre bien sûr et on pense tout de suite à Stonehenge.

Mais aussi sur le continent où les cercles de pierres ne sont pas rares.

Dans le cas de l’Angleterre, rappelons au passage que certains monuments en cercles étaient initialement composés de poteaux de bois et non de pierres, ce sont même peut-être les plus anciens de ces monuments comme Woodhenge non loin de Stonehenge.
Dans tous les cas, il s’agit de monuments au sens strict.

Parmi ces monuments certains sont beaucoup plus monumentaux que Stonehenge, si j’ose dire : c’est le cas du grand monument d’Avebury avec ces 400 mètres de diamètre, son énorme fossé et ses mégalithes.

Depuis ce vaste cercle une « avenue » bordée de menhir file vers la région de Stonehenge et se suit sur plusieurs kilomètres.

Mais il y a encore pire en Angleterre avec les Cursus. Il s’agit de deux cordons de terre parallèles pouvant avoir un à quelques mètres de hauteur et faire des centaines de mètres, des kilomètres et jusqu’à 10 kilomètres de longueur pour le Dorset Cursus.

Celui qui fait partie du vaste ensemble préhistorique de Stonehenge mesure déjà 2700 m de longueur.

Dans le même ordre d’idée, certaines sépultures monumentales sont des chambres mégalithiques inclues dans des tumulus gigantesque comme ici le West Kennet long Barrow qui mesure plus de 100 m de long.

A quelques distances, se trouve la colline artificielle de Silbury Hill, le tumulus le plus élevé de la Préhistoire avec une quarantaine de mètres de hauteur de terre rapportée.

Sa fonction est inconnue étant donné que les fouilles n’ont pas montré la présence de sépulture à l’intérieur du tumulus. On évoque la possibilité d’une plateforme où aurait pu se dresser un temple.

C’est l’idée qui est retenue aussi pour la pyramide du Monte d’Accoddi dans le nord de la Sardaigne. Il s’agit d’un édifice beaucoup plus modeste mais déjà important et dont le sommet de la terrasse présente une unique construction réduite, datable du 4e et 3e millénaire avec plusieurs réfections et exhaussement de la pyramide.

Nous sommes là très vraisemblablement dans le domaine religieux ou politique, c'est-à-dire des constructions collectives qui n’ont pas d’usage défensif ou funéraire mais probablement des lieux de rassemblement ou de cérémonies comme je le disais tout à l’heure.

Dans le domaine des temples, toujours au 4e millénaire, l’île de Malte nous offre quelques beaux exemples. Il s’agit de constructions mégalithiques présentant des plans tréflés, avec une organisation récurrente, avec des systèmes d’accès successifs menant à un sein des seins où se trouvent souvent un ou plusieurs autels.

L’ensemble de cette monumentalité est évidemment difficile à interpréter d’une unique façon, la seule chose dont on soit certain, c’est qu’à un certain moment du développement des sociétés néolithiques, le besoin se fait sentir de l’érection de grands monuments, peut-être d’un travail collectif qui suppose dans tous les cas l’existence d’un architecte, voire d’une autorité pour coordonner l’ensemble des participants à ces grands travaux.

Avec ces travaux, comme avec l’émergence des sépultures collectives qui est liée et concomitante avec celles des sépultures mégalithiques, c’est aussi la cohésion du groupe qui est en jeu et qui en ressort probablement renforcée.

Voilà ce qu’on peut dire, de façon extrêmement résumée sur le développement de la monumentalité.

Quelques autres aspects de cette chalcolithisation pour finir :

Tout d’abord, malgré le développement de la métallurgie dans cette période, l’utilisation de la pierre ne cesse pas pour autant, pas tout de suite.

C’est même le moment, si on suit Jean Guilaine et Laurence Manolakakis où les productions lithiques vont connaitre leurs plus prodigieuses réalisations.

En Bulgarie, en particulier dans la région de Varna, on connait conjointement une production lithique classique, domestique, assez simple et destinée à fabriquer les outils du quotidien, mais aussi le développement d’une technique très particulière de débitage par pression au levier (parfois renforcé) qui a permis l’obtention de lames de silex de 30 à parfois 45 cm de longueur.

Ces lames s’exportent à une large région où elles vont être fragmentées pour la fabrication d’outils normaux entre guillemets. Elles constituent alors des sortes de réserves de matières, comme des ligots.
Mais on va aussi les retrouver entières, dans les sépultures riches de la nécropole de Varna où elles s’associent à l’orfèvrerie et à d’autres objets rares.

Cette « Chalcolithisation » va aussi voir le développement très important d’une symbolique que nous allons retrouver à la fois gravée dans la pierre sur des blocs et des parois, mais aussi sculptées dans la pierre sous la forme de stèles et de statues-menhirs.

Ce phénomène est un peu plus récent que le développement de la métallurgie dans les Balkans mais il va sans doute accompagner les développements du métal en Europe occidentale.

Je ne développerai pas ici, mais vous pourrez trouver facilement de la doc sur ce sujet.

Les gravures alpines de la fin du Néolithique…

Les stèles et statues-menhirs de diverses régions…

Enfin, je voudrais évoquer, ce qui n’est pas le plus simple… l’apparition de grands phénomènes culturels et sociaux au bout de cette évolution pendant le 3e millénaire.

Il faut alors distinguer l’Europe centrale et l’Europe occidentale.

En Europe centrale, un ensemble culturel très important va se développer sur une surface quasiment inédite.
Cet ensemble s’appelle la culture ou la civilisation Cordée, en raison des décors des gobelets réalisés à la cordelette.
Derrière cette culture, se cache une société sans doute assez structurée et réunie par des traditions assez fortes que l’on retrouve principalement dans le domaine funéraire.

Deux ou trois siècles plus tard, en Europe occidentale, on va voir se développer un autre phénomène culturel de très grande ampleur que l’on appelle le Campaniforme.

Il s’agit au départ de gobelets de céramique très décorés et associés à des éléments d’archerie et des parures en métal que l’on a retrouvé sur une grande part de l’Europe à partir de 2500 avant notre ère, dans des sépultures principalement.

On dit généralement que le Campaniforme va s’étendre d’Irlande en Sicile et du Maroc à la Pologne.

L’origine et la nature de ce phénomène sont encore âprement discutées par les chercheurs.

Actuellement son origine est sans doute à chercher au Portugal région de peuplement très dense et parsemée de villages très fortifiés.

L’expansion de ce phénomène ressemble à un processus de colonisation affectant à la fois les côtes atlantiques et les côtes méditerranéennes…

Après selon les régions les rapports avec les populations indigènes vont aboutir à des situations très différentes mais l’empreinte campaniforme sera cependant sensible pendant plusieurs siècles dans de nombreuses régions jusque dans les débuts de l’âge du Bronze.

En même temps ce sont des réseaux de relations à très longues distances qui sont mis en place à travers l’Europe, avec probablement des éléments d’une culture commune et la diffusion non plus d’objets métalliques mais de la pratique métallurgique elle-même, comme je vous l’ai dit tout à l’heure.

Ce phénomène qui est de nature totalement historique et n’a plus grand-chose à voir avec ce qu’on appelle traditionnellement la Préhistoire achève de faire sortir l’Europe du Néolithique et marque l’entrée de l’Europe occidentale dans l’âge du Bronze avec l’avènement des sociétés du métal que vous présente Claude Mordant.

J’espère que ce très rapide tour d’horizon de cette période et de sa complexification vous aura montré ou rappelé que la civilisation n’est pas apparue dans l’Antiquité, loin de là… Et que les périodes anciennes comme le Néolithique sont infiniment plus proches de nous que ce que certains pensent.

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