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Datations

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Les méthodes - l'usage des datations

 

De l’usage des datations C14 et de leur présentation

 

Lorsqu'on travaille sur les derniers millénaires de la Préhistoire et la Protohistoire, les datations au radiocarbone sont généralement nombreuses et permettent de travailler ou de s’interroger sur les problèmes de chronologie.

L’usage des datations et leur présentation sont cependant sujets à des erreurs, des imprécisions et des sources de confusions nombreuses. Ils doivent donc obéir à quelques règles, dont je vous propose ici quelques lignes directrices. D’autres choix peuvent exister, il est en tout cas nécessaire de respecter une cohérence.

Sur les définitions des méthodes de datation, de la calibration etc… reportez vous aux TD de méthodologie de Préhistoire de L1.

 

1. Trouver des datations au radiocarbone

Les datations au radiocarbone sont le plus souvent mentionnées dans les présentations des sites archéologiques dans les publications. Dans certains cas, les datations font l’objet d’une notice à part avec un commentaire. Des articles présentent aussi des séries de datations ou en proposent des synthèses.

Enfin, certaines datations sont recensées dans de gros corpus publiés sur papier ou disponibles sur Internet.

En France, le site le plus connu est Banadora : BAnque NAtionale de DOnnées RAdiocarbone pour l'Europe et le Proche Orient à l’adresse : http://www.mom.fr/ceram/banadora/
De nombreuses datations y sont recensées avec une fiche de renseignements très importants mais attention, cette banque de données ne présente pas toutes les datations disponibles, loin de là. Beaucoup de laboratoires ne sont pas pris en compte. Le dépouillement de la bibliographie demeure donc indispensable.

Il existe aussi des banques de données spécialisées par pays. Tapez Radiocarbon database sur Google pour avoir accès à un grand nombre de bases. Et des bases spécalisées comme par exemple : Spatial and Chronological Patterns in the Neolithisation of Europe:

http://ads.ahds.ac.uk/catalogue/specColl/c14_meso/query.cfm?CFID=397908&CFTOKEN=72317564

2. Comprendre et présenter les datations

Une datation radiocarbone qui est un résultat statistique doit toujours se présenter soit sous la forme d’une fourchette de dates (3011-2638 av. n. è.) soit d’une date associée à une marge d’erreur (un écart-type) (4250 ± 55 BP).

Tout d’abord, on trouvera donc généralement à la fois des dates exprimées en :

- BP (Before Present, avant le présent, synonyme d’il y a… / le présent étant 1950) elles s’expriment obligatoirement avec leur écart-type sous la forme « ± XXX » exemple : 4250 ± 55 BP

- bc (Before Christ, avant J.-C. ou avant notre ère) qui sont les dates BP moins 1950 ans. Elles s’expriment elles aussi avec l’écart-type, dans le même exemple : 2300 ± 55 bc. Cette forme est ancienne et ne s’emploie normalement plus, mais elle demeure présente dans les articles anciens.

- BC  ou Cal BC ou BC Cal (Before Christ, avant J.-C. ou avant notre ère) désignant la date radiocarbone avant notre ère qui a été corrigée (ou calibrée) [sur les définitions des méthodes de datation, de la calibration etc… reportez vous aux TD de méthodologie de Préhistoire de L1]. Elles s’expriment sous la forme d’une fourchette  qui inclut l’écart-type ou 2 écart-types selon les cas. Dans l’exemple donné : 2918-2704 BC Cal à 1 sigma (c'est-à-dire 68 % de probabilité) ou 3011-2638 BC Cal à 2 sigma (c'est-à-dire 95,4 % de probabilité).

Il est évidemment aujourd’hui vivement conseillé d’exprimer les datations en chronologie calibrée : BC Cal. Les datations qui ne sont pas calibrées, mais qui sont livrées avec leur écart-type, peuvent l’être très facilement à l’aide de programmes informatiques téléchargeables ou directement en ligne.

Les plus connus sont :Oxford Radiocarbon Accelerator Unit (Oxcal) :  

http://c14.arch.ox.ac.uk/embed.php?File=oxcal.html

et CALIB Radiocarbon Calibration

http://calib.qub.ac.uk/calib/ 

Les 2 systèmes peuvent être téléchargés ou utilisés directement en ligne. Il permettent la calibration des dates C14 mais aussi de multiples représentations graphiques des datations ou de séries de dates.

L’usage de ces programmes en ligne est assez simple. Voir vos enseignants en cas de difficultés.

Quel que soit le choix, bien indiquer le programme de calibration choisi et la référence de la courbe utilisée qui est indiquée dans les programmes.

Dans tous les cas, il est préférable d’utiliser le même type de présentation des datations au radiocarbone dans un même document. C’est plus facile à suivre pour le lecteur.

Cependant, certaines disciplines persistent à travailler en date BP, particulièrement en paléoenvironnement et paléoclimatologie.  Dans un soucis de cohérence, on peut, dans un mémoire, utiliser les dates BP dans le chapitre environnemental (selon les traditions de la discipline) et utiliser des dates BC Cal dans l’étude archéologique. Dans ce cas, il est bon de présenter un tableau chronologique synthétique de corrélation des 2 systèmes chronologiques.

Lorsque votre propos fait appel à la fois à des datations radiocarbone et à des datations dendrochronologiques, il est préférable de bien indiquer systématiquement le type de datation.

Vous trouverez aussi assez fréquemment dans la littérature des datations exprimées dans le texte sous la forme : « La datation du site de « Tartempion » (Ly-5569) 4250 ± 55 BP soit 3011-2638 BC Cal à 2 sigma… » Cette formulation offre presque la totalité des informations utiles concernant cette date en livrant la référence de la datation, la mesure exprimée en BP et la calibration à 2 sigma. Il y manque néanmoins l’indication de la courbe de calibration utilisée, puisque ces courbes ont été affinées au cours du temps…

Il est donc souvent souhaitable de refaire soi-même les calibrations de toutes les datations que l’on mentionne dans un soucis de cohérence. Et de préférer les exprimer avec un double écart-type, c'est-à-dire 95,4 % de probabilité.

Lorsque vous rédigez un chapitre de chronologie où vous mentionnez de nombreuses datations au radiocarbone, il est sans doute préférable de trouver une solution pour alléger le texte :

Indiquez dans un avertissement, ou dans un paragraphe spécifique que vous présenterez systématiquement des datations en chronologie calibrée avant notre ère (Cal BC) dont les calibrations ont été réalisées, par exemple avec RADIOCARBON CALIBRATION PROGRAM* CALIB REV5.0.2 Copyright 1986-2005 M Stuiver and PJ Reimer  (Stuiver, M., and Reimer, P.J., 1993, Radiocarbon, 35, 215-230). Et qu’elles sont toutes présentées à 2 sigma.

Réalisez en annexe un ou plusieurs tableaux de datations où vous présenterez toutes les données disponibles (1)

Dans le texte vous pourrez vous contentez de mentionner le site, la structure/le niveau daté, et la datation exprimée en Cal BC ou avant J.-C. sous la forme : « la datation du site de « Tartempion (niveau 5b) » :  3011-2638 avant notre ère… »

 

(1) exemple de tableau de datations :

Département
Commune
Site
Niv/Struc
Réf Labo
Matériaux
Date BP
Ecart type
Date BC cal
Réf. Biblio
21
Labas
Tartempion
Niv. 5b
Ly-5569
Os humain
4250
55
3011-2638
Machin 1998

Le maximum d’informations est toujours le bienvenu dans ce type de tableau, y compris le type de matériaux daté et la publication initiale de la datation.

Note : le fameux « ± » si utile à la présentation des datations peut s’obtenir par un raccourci clavier : Alt 241 sur PC et Majuscule—Option + sur Mac

3. Quelles datations utiliser ou rejeter, quand et pourquoi

Un problème récurrent entre les datations et les archéologues c’est que les premières ne satisfont pas toujours les seconds qui peuvent avoir tendance à ne conserver que celles qui abondent dans le sens de leur théorie et à rejeter les autres. C’est évidemment un comportement inadmissible, mais cela n’interdit pas de critiquer des datations, si c’est fait correctement.

Première règle : toutes les datations disponibles doivent être présentées, au moins dans le tableau de datations. Libre à vous, ensuite, de critiquer telle ou telle date que vous jugez aberrante si vous expliquez pourquoi.

Certaines datations donneront effectivement des résultats incohérents avec l’âge attendu, cela peut résulter de nombreux facteurs liés autant à la mesure (au labo) qu’à l’échantillon lui-même (sa nature, la présence de matière datable, son contexte de découverte, la qualité et la compréhension de la fouille..).

Ainsi une datation donnant un âge de 2000 ± 100 BP pour un site néolithique en France devra figurer dans le tableau de collecte des datations mais pourra être écartée de la discussion dans le texte, sans trop de commentaire,  parce que simplement absurde.

Il peut être aussi raisonnable d’écarter les datations présentant un écart-type trop important pour que la datation présente un quelconque intérêt dans le cadre de la problématique traitée. C’est le cas de certaines datations réalisées anciennement, dans les années 60 et 70 qui présentent des écart-types de plusieurs centaines d’années. Si des dates présentant des écart-types aussi grands peuvent être utiles pour des problématiques sur la Paléolithique supérieur, elles sont en revanche aujourd’hui inutiles et même des sources de confusions pour la fin du Néolithique ou la Protohistoire.

Prenons un exemple concret quoique fictif :

Pour une culture de la fin du Néolithique nous disposons de 3 datations :

4250 ± 55 BP ; 4300 ± 35 BP et 4200 ± 250 BP

Soit en datation calibrée : 3011-2638 BC cal ; 3012-2880 BC cal et 3512-2051 BC cal.

Les deux premières datations sont relativement précises et permettent de bien situer la culture en question quelque part en 3000 et 2600 avant notre ère et encore avec seulement 95 % de chance d’être dans le vrai. La troisième datation ne fait qu’ajouter de la confusion puisqu’elle indique une période beaucoup plus large où la culture en question peut être placée entre 3500 et 2000 avant notre ère, ce qui correspond peu ou prou à la durée totale de la fin du Néolithique dans la région considérée : Merci ! je m’en doutais un peu…

Cette date doit être présentée, impérativement, dans le tableau des datations, mais elle pourra aussi être évacuée des discussions et des graphiques de synthèse.

Ces dates à grands écart-types sont cependant conservées par certains chercheurs dans des diagrammes cumulatifs, qui présentent les cumuls de dates. C’est un choix de représentation qui si elle est bien réalisée peut permettre de lire à peu près correctement la place de tel ou tel site ou de telle ou telle culture… Mais on peut quand même douter de son intérêt.

Vous devrez surtout, en tant qu’archéologue, vous assurez des problèmes potentiels liés à l’échantillon lui-même. Il est alors possible de critiquer les datations :

Sans tenir compte du fouilleur et de la fouille, qui sont des éléments difficile à prendre en compte, certaines datations ont été/sont parfois encore réalisées sur des petits charbons provenant d’un niveau archéologique identifié. Mais la relation entre un unique charbon (ou un unique ossement) et le niveau archéologique où il a été mis au jour est toujours difficile à assurer, tout comme un unique tesson ne peut en aucun cas dater une couche archéologique. La présence d’un objet unique peut résulter de divers phénomènes de perturbation (non observés voire non observables à la fouille) et être en réalité antérieur ou postérieur au niveau considéré.

Il semblerait même que certaines datations aient été réalisées sur des assemblages artificiels de micro-charbons prélevés (par tamisage) sur plusieurs mètres carrés ou dizaines de mètres carrés d’un niveau archéologique. Lorsque l’on connaît les perturbations potentielles d’un niveau archéologique, cela dépasse l’entendement et explique sans doute la persistance dans nos séries de datations de certaines dates totalement absurdes dont les laboratoires ne sauraient être tenus pour responsables.

Il est donc tout à fait nécessaire de dater un « fait » archéologique plutôt qu’un élément potentiellement perturbé. Un « fait » archéologique dans ce contexte peut être :

- un foyer

- un squelette animal ou humain

- un objet appartenant de façon non discutable à un ensemble clos ou architectural (les planches d’un caisson funéraire, les poteaux d’une maison…)

Il est donc, sur cette base, possible de critiquer et de trier les datations utilisées pour traiter une problématique. Et vous comprendrez l’importance de bien noter et de bien signaler la référence de la datation (Ref. Labo ou Lab Code) qui permet de remonter à la fiche de l’échantillon et de savoir précisément ce qui a été daté.

Le problème récurrent de cette démarche pour l’archéologue, c’est qu’une fois les séries de datations nettoyées des dates à écart-type trop grand qui n’apportent pas d’informations et des dates faites sur de mauvais échantillons… il n’en reste généralement pas beaucoup… ! Mais ce n’est pas une raison pour s’appuyer sur n’importe quoi et cela veut dire qu’il faut continuer à faire des datations (sur de bons échantillons).

Version 1 au 27 octobre 2006 – pouvant sans doute être améliorée.

olivier.lemercier@u-bourgogne.fr

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